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L'euro et l'évolution du paysage financier en Europe

Allocution prononcée par Christian Noyer, Vice-président de la Banque centrale européenne,à l'occasion de la cérémonie de remise des diplômes du CESB, Paris, 19 janvier 2001

Mesdames, messieurs, chers lauréats,

C'est un grand honneur pour moi de m'adresser à une assemblée qui rassemble certainement un grand nombre d'acteurs importants du futur monde financier européen. Il me semble que la formation suivie par les lauréats que nous récompensons aujourd'hui prépare particulièrement bien à la gestion du changement dans les métiers complexes de la banque. Tirant profit du temps qui m'est alloué pour cette intervention, j'aimerais aborder quelques-uns des changements, au premier titre desquels l'introduction de l'euro, qui sont en train de modifier, de façon profonde, le paysage financier en Europe.

Je présenterai cinq propositions, qui, j'espère, pourront contribuer à stimuler votre réflexion personnelle.

Première proposition : les changements en cours reflètent la conjonction de plusieurs facteurs, touchant notamment à la déréglementation, à l'ouverture des marchés financiers tant au niveau mondial qu'au niveau européen, et à l'introduction de la monnaie unique.

En Europe, le programme d'Union économique et monétaire a eu des effets considérables dans les années récentes. Il a d'abord conduit à un approfondissement progressif de l'intégration économique européenne, qui s'est traduit par le renforcement de l'intégration des marchés financiers européens avant même l'introduction de l'euro le 1er janvier 1999. Par ailleurs, le programme d'Union économique et monétaire est également assorti de règles communes visant à assainir les finances publiques, dans un souci d'efficacité et d'équité vis-à-vis des générations futures. Ceci a eu pour effet secondaire de libérer des ressources financières au profit du secteur privé et semble avoir contribué, par là, au développement rapide des marchés de titres du secteur privé en Europe.

Toutefois, ces évolutions à l'échelle européenne ne sont pas atypiques au niveau mondial. Le développement rapide des échanges commerciaux entre pays atteste d'une plus grande interdépendance des économies dans le monde. Dans la sphère financière, l'ouverture des marchés accroît le champ des possibles tant pour les emprunteurs que pour les prêteurs et, dans un grand nombre de cas, permet de réduire les coûts. Enfin, s'il n'en faut qu'un, l'exemple des États-Unis montre que les efforts d'assainissement des finances publiques ne sont pas une spécificité européenne.

Deuxième proposition : en ce qui concerne l'évolution des marchés financiers, la monnaie unique joue un rôle que l'on peut qualifier de catalyseur, notamment grâce à la stabilisation de l'inflation à un bas niveau dans la zone euro.

Dans le cadre du processus de convergence, le rythme de progression des prix à la consommation dans la zone euro a considérablement diminué au cours des années 1990, atteignant des niveaux compatibles avec le maintien de la stabilité des prix. Dans le même temps, les anticipations d'inflation que forment les divers agents économiques, qui peuvent être observées au moyen d'enquêtes d'opinion et qui se reflètent également dans le niveau des taux d'intérêt à long terme, se sont elles aussi stabilisées à un faible niveau. Sans m'attarder sur les bénéfices économiques et sociaux liés au maintien de la stabilité des prix, que vous connaissez bien, j'aimerais évoquer les effets ayant trait aux marchés financiers. En effet, grâce à la stabilisation des anticipations d'inflation à un faible niveau, la prime de risque associée à l'inflation future est devenue un déterminant moins important des taux d'intérêt à long terme, et donc des facteurs d'actualisation dont dépendent les prix des actifs financiers. A l'intérieur de la zone euro, cet effet s'est vu renforcé par l'élimination des primes de risque relatives aux cours de change. En conséquence de la réduction des primes de risque d'inflation et de change, d'autres variables peuvent jouer un plus grand rôle, en termes relatifs, dans les prix des actifs financiers. En particulier, les intermédiaires financiers et les investisseurs peuvent accorder davantage d'attention à l'évaluation des risques de crédit, ce qui améliore l'efficacité de l'allocation des ressources financières et, en fin de compte, les performances économiques.

Par ailleurs, l'introduction de la monnaie unique a contribué à élargir les marchés financiers dans la zone euro. Les banques de la zone ont maintenant accès à un grand marché interbancaire doté de systèmes de paiement performants, parmi lesquels le système TARGET, ainsi que d'une panoplie d'instruments financiers modernes, tels que les divers contrats à terme et d'échange s'appuyant sur les taux de référence EONIA et Euribor. Sur cette base, les diverses composantes des marchés financiers de la zone euro devraient tendre à devenir mieux intégrées à la suite des progrès réalisés dans l'adaptation des infrastructures et des procédures.

Troisième proposition : les changements en cours en Europe tendent à intensifier la pression concurrentielle subie par les intermédiaires financiers et amènent les marchés de titres à jouer un plus grand rôle que par le passé.

Plusieurs indicateurs suggèrent que la pression concurrentielle exercée sur les banques de l'Union européenne s'est accrue ces dernières années. D'une part, les marges d'intérêt prêteuses se sont réduites de manière significative depuis 1997. Même si d'autres facteurs ont aussi joué un rôle, cette évolution est pour une large part attribuable à l'intensification de la concurrence entre intermédiaires financiers. D'autre part, l'arrivée sur le marché bancaire européen de nouveaux intervenants, que ce soient des banques étrangères, des compagnies d'assurances ou même des chaînes de supermarchés, a aussi contribué à accroître la pression concurrentielle subie par les banques. Il convient de rapprocher cette évolution du développement de techniques bancaires nouvelles, liées notamment aux possibilités qu'offrent la banque directe ou le réseau Internet.

Dans le même temps, les marchés de titres se sont développés rapidement en Europe. En particulier, les émissions par le secteur privé de titres de créance négociables ont augmenté rapidement ces deux dernières années. Même si elle reste mineure, la part de ces titres dans l'ensemble des sources de financement externe du secteur privé s'est accrue. Le développement de nouveaux segments de marchés pour les actions des entreprises constitue une autre illustration de cette évolution. Ces "nouveaux marchés" permettent à de jeunes sociétés, offrant des perspectives de croissance potentiellement très rapide mais aussi risquée, d'accéder aux marchés d'actions.

Quatrième proposition : si ces évolutions sont extrêmement bénéfiques, elles comportent néanmoins, comme dans tout processus de changement rapide, un certain nombre de risques.

Les bénéfices de la déréglementation et de l'ouverture des marchés financiers proviennent essentiellement de l'élargissement du champ des possibles : les emprunteurs ont accès à un plus grand nombre d'investisseurs et inversement. Cette situation permet de réduire les coûts de l'intermédiation financière et d'orienter l'épargne vers les investissements les plus productifs, tout en autorisant les épargnants à gérer leur profil de consommation future d'une manière fine, en utilisant les divers instruments financiers disponibles.

Cette situation peut entraîner l'apparition de plusieurs risques. En premier lieu, le métier traditionnel d'intermédiaire financier, notamment l'activité de banque dite « classique », peut tendre à devenir plus difficile parce que moins rentable. Dans de telles circonstances, certains intervenants peuvent être amenés à prendre des risques excessifs, qui pourraient ne pas être sanctionnés à temps par la discipline de marché si l'information sur les risques courus n'est pas rendue publique conformément aux règles de transparence en vigueur. En second lieu, dans un marché en voie d'intégration les intervenants peuvent être amenés à élargir leur champ d'activité géographique. Afin d'éviter que des concours excessifs ne soient apportés à des entités relativement mal connues, il est important que les intervenants évaluent précisément les profils de risque de leurs contreparties. Cela leur permettra de tirer le meilleur avantage de la diversification des risques. Enfin, les infrastructures nouvelles, qu'il s'agisse des procédures opérationnelles des nouveaux marchés ou des nouveaux systèmes d'échange ou de compensation au sein de la zone euro, peuvent s'avérer fragiles dans la mesure où elles n'auraient pas été soumises à des tests de fiabilité adéquats, notamment pour valider leur résistance à des conditions de marché extrêmes. Ces risques, qui sont bien connus, ne doivent donc pas être la source d'un excès de défiance mais appellent simplement à la vigilance.

Cinquième et dernière proposition : les intermédiaires financiers ont un rôle important à jouer, y compris dans le cadre du processus de désintermédiation. Les banques sont en quelque sorte l'assurance grands risques des marchés financiers.

Les évolutions en cours donnent lieu à des modifications considérables dans le paysage financier européen, allant dans le sens d'une concurrence accrue entre intermédiaires financiers et d'une plus grande importance des financements désintermédiés, c'est-à-dire obtenus par émission de titres. Les banques devraient cependant continuer à jouer un rôle important en Europe, peut-être même plus qu'aux États-Unis, où leur développement semble avoir été entravé, dans une certaine mesure, par les règles prudentielles spécifiques adoptées à la suite de la crise des années 1930 et qui sont restées en vigueur jusqu'à récemment. Comme on l'a vu lors de la période de turbulence financière de l'automne 1998, lorsque les rouages des marchés de capitaux se grippent par suite d'une perte de confiance généralisée, les banques peuvent avoir un rôle salutaire à remplir. Elles peuvent notamment procurer des financements-relais assis sur leurs ressources financières stables et reflétant leur connaissance fine des emprunteurs, basée sur une relation commerciale de long terme.

En conclusion, j'aimerais prendre un peu de recul pour considérer l'ensemble du tableau du paysage financier en Europe. Ce qui frappe dans ce paysage, c'est l'ouverture généralisée de nouvelles opportunités, de nouveaux chemins de communication et d'échange à l'intérieur de la zone ainsi qu'avec l'extérieur. La création de l'euro -- en quelque sorte l'autoroute des marchés financiers en Europe -- est l'un des ingrédients qui facilite ce mouvement d'ouverture et de renouvellement. Avec un marché financier beaucoup plus profond, actif, liquide et innovant, l'Europe dispose désormais d'un outil extrêmement puissant pour soutenir son activité économique, et faciliter le financement des restructurations industrielles.

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