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Isabel Schnabel
Member of the ECB's Executive Board
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Interview accordée à De Tijd / L’Écho

Entretien avec Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, mené par Wouter Vervenne et Kris van Hamme le 31 mai 2023

7 juin 2023

Veuillez noter que cette interview a été réalisée en anglais et traduite en néerlandais et en français. En cas de divergences entre ces versions, seule la version anglaise fait foi.

Les gens en ont assez de l’inflation. Quel espoir pouvez-vous leur offrir ? Quand l’inflation reviendra-t-elle à 2 % ?

L’inflation globale dans la zone euro s’est relativement vite tassée, après avoir culminé à 10,6 % en octobre 2022. Cependant, l’inflation sous-jacente (qui exclut les prix volatils des denrées alimentaires et de l’énergie, NDLR) est plus persistante et reste élevée, les services jouant un rôle fondamental en raison des effets relativement importants de la hausse des coûts salariaux sur l’inflation dans ces filières. L’augmentation des prix des denrées alimentaires contribue également à l’inflation, mais devrait selon nous ralentir au vu du ralentissement mondial des prix des matières premières agricoles.

Selon nos projections de mars, l’inflation ne reviendra au niveau de notre objectif de 2 % qu’en 2025. Elle resterait donc supérieure à cet objectif pendant quatre ans environ, ce qui représente une très longue période. Une question importante est de savoir dans quelle mesure cela pourrait influer sur les anticipations d’inflation des entreprises et des ménages, et ainsi sur la fixation des prix des entreprises et les négociations salariales.

Les accords salariaux peuvent avoir un effet prolongé sur l’inflation du fait de leur longue durée. Voilà pourquoi il est si important de maintenir un ancrage solide des anticipations d’inflation et de ramener l’inflation à 2 % aussi rapidement que possible.

Vous avez dit que les prix alimentaires restaient relativement élevés. C’est effectivement le cas, alors que l’indice des prix des denrées alimentaires des Nations unies a atteint son point haut, il y a un an. Que se passe-t-il ?

La situation est un peu comparable à l’évolution des prix de l’énergie. On a observé dans ce secteur une répercussion étonnamment rapide de l’augmentation des prix de gros sur les prix à la consommation, suivie par une diffusion plus progressive à la baisse. Les prix des denrées alimentaires pourraient suivre une trajectoire similaire. Cela montre combien il est difficile d’anticiper dans quelle mesure les variations de prix seront répercutées sur le consommateur.

À plus long terme, nous risquons de connaître plus souvent des périodes de fortes hausses des prix alimentaires du fait du changement climatique, qui engendre une multiplication des sécheresses, des événements météorologiques extrêmes et des mauvaises récoltes. Nous surveillons donc de près l’évolution des prix alimentaires. C’est également une question sociale sensible.

Une autre question sensible porte sur « l’inflation cupide » (greedflation), lorsque les entreprises profitent de l’environnement inflationniste pour accroître leurs marges bénéficiaires, alimentant l’inflation. Vous avez reconnu depuis que la BCE avait accordé trop peu d’attention aux bénéfices des entreprises. Cela vous a-t-il étonnée ?

Si l’on regarde les déterminants de l’inflation intérieure, les salaires comme les bénéfices des entreprises ont joué récemment un rôle significatif. De nombreuses entreprises n’ont pas seulement été en mesure de répercuter pleinement la hausse des coûts de leurs intrants sur leurs clients, mais ont même augmenté leurs marges bénéficiaires. Cela s’explique en grande partie par la configuration particulière en cette période de pandémie, marquée après la réouverture de l’économie par un redressement plus rapide de la demande que de l’offre encore contrainte dans un certain nombre de secteurs. Il en a résulté un renforcement du pouvoir de fixation des prix des entreprises.

Cela peut conduire à ce que j’appelle une spirale bénéfices-salaires-prix, par opposition à une simple spirale salaires-prix (où les salaires et les prix se tirent mutuellement vers le haut, NDLR). De nombreuses entreprises ont d’abord relevé leurs prix au-delà de l’augmentation de leurs coûts. Les syndicats tentent à présent de négocier des augmentations de salaires, facilitées par un marché du travail tendu et la hausse des bénéfices des entreprises. En Belgique, il y a même l’indexation automatique des salaires. La question est alors de savoir quelle sera la réaction des entreprises. Continueront-elles à répercuter en totalité la hausse de leurs coûts, voire au-delà, ou en absorberont-elles une partie en réduisant leurs marges bénéficiaires ? Leur réaction dépendra largement de la poursuite du dynamisme de la demande de biens et services.

C’est là que la banque centrale a un rôle essentiel à jouer. Notre politique monétaire agit en freinant la croissance de la demande globale (à travers les hausses de taux d’intérêt, NDLR).

L’instrument de la hausse des taux d’intérêt n’est-il pas un outil relativement peu précis pour freiner l’inflation engendrée par une augmentation des marges bénéficiaires ?

Il s’agit, en définitive, d’une question de répartition de la charge que représente la hausse des coûts de l’énergie entre le travail et le capital, et celle-ci relève des partenaires sociaux et des gouvernements. Il n’appartient pas aux banques centrales de la trancher. Nous devons utiliser les outils dont nous disposons.

La BCE a été l’une des dernières banques centrales à commencer à relever ses taux pour lutter contre l’inflation. N’était-ce pas trop tard ?

Le processus de resserrement a déjà commencé bien avant la première hausse des taux en juillet 2022. En décembre 2021, nous avons annoncé l’arrêt d’une partie de nos achats d’actifs. En conséquence, les taux sur les marchés financiers ont monté bien avant juillet 2022. Qui plus est, la politique monétaire doit répondre à la situation économique, qui n’est pas la même partout. C’est pourquoi la BCE a commencé à relever ses taux plus tardivement que la Réserve fédérale américaine.

Avec le recul, on pourrait dire que nous aurions dû agir plus tôt. Mais en 2021, nous étions encore en pleine pandémie. Nous faisions face à la propagation du variant Omicron du coronavirus ainsi qu’à de nombreuses incertitudes. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a encore accentué l’inflation. Il est difficile de dire comment l’inflation aurait évolué sans cette guerre.

Au cours de l’année écoulée, la BCE a augmenté ses taux à un rythme soutenu. Quand peut-on s’attendre à une pause ?

Nos décisions en matière de taux d’intérêt s’appuient sur les données, et reposent sur trois éléments : les perspectives d’inflation, l’évolution de l’inflation sous-jacente, et la transmission de notre politique monétaire à l’économie. Ce dernier mécanisme se déroule en trois phases : un relèvement des taux directeurs exerce une incidence d’abord sur les conditions de financement, puis sur l’économie réelle, et enfin sur les salaires et les prix.

Selon les estimations des services de la BCE, la transmission de la politique monétaire se poursuit et notre resserrement devrait atteindre son effet maximal sur l’inflation en 2024. Une grande incertitude règne toutefois concernant la vigueur et la rapidité de ce processus. L’impact estimé varie fortement en fonction des modèles utilisés et, en particulier, du rôle des anticipations dans les décisions de consommation et d’investissement. Plus le rôle des anticipations est faible, plus la transmission de la politique monétaire l’est généralement aussi. En outre, on pourrait s’attendre, compte tenu de la pénurie de main-d’œuvre actuelle, à une transmission de la politique monétaire moindre que d’habitude. Enfin, les contrats de crédit à taux fixe portant sur de longues périodes sont devenus plus fréquents. En conséquence, notre politique pourrait mettre davantage de temps qu’auparavant à produire ses effets.

Pour faire face à cette incertitude, nous tentons de peser les risques d’une action insuffisante et ceux d’une action trop forte. Compte tenu de la forte incertitude entourant la persistance de l’inflation, le coût d’une action trop faible reste supérieur à celui d’une action trop énergique. La raison en est qu’une fois l’inflation ancrée dans l’économie, il devient bien plus coûteux de la combattre. Nous avons davantage de chemin à parcourir. Quant au niveau jusqu’où les taux devront encore augmenter, cela dépendra des données disponibles.

Les marchés anticipent deux hausses de taux supplémentaires de 25 points base chacune. Est-ce réaliste ?

Cela dépendra des données disponibles. Je tiens à être très claire : un pic d’inflation sous-jacente ne suffirait pas pour crier victoire. Il nous faut observer des signes probants montrant que l’inflation revient au plus tôt et durablement à notre objectif de 2 %. Nous n’en sommes pas encore là.

Dans certains pays, dont la Belgique, les banques font l’objet de critiques en raison du niveau de leur taux des dépôts, bien plus bas que le taux de la BCE. La présidente Christine Lagarde a récemment déclaré qu’elle soutenait l’appel du ministre néerlandais des Finances en faveur d’une hausse du taux d’intérêt sur l’épargne. Êtes-vous d’accord ?

La transmission des hausses de taux d’intérêt de la BCE aux taux des prêts bancaires a été très rapide, tandis que la répercussion sur les taux des dépôts est bien plus lente. Mais la situation varie entre les différents types de dépôts. Ainsi, les taux qui s’appliquent aux dépôts des entreprises et aux dépôts à terme y ont répondu plus fortement. Cela dépend largement de la réaction des clients. Si les déposants commencent à transférer leurs fonds des dépôts à vue vers des placements plus rémunérateurs proposés par d’autres établissements ou sur les marchés financiers, les banques pourraient réagir en augmentant les taux d’intérêt afin de conserver leurs dépôts. En revanche, si les clients maintiennent leur épargne dans des dépôts à vue parce qu’ils en apprécient la liquidité et la facilité des paiements, il n’est pas surprenant que les banques n’ajustent pas leurs taux d’intérêt.

Comme l’a dit Christine Lagarde, ces comportements importent pour la transmission de la politique monétaire, qui ne se fait pas seulement à travers les taux débiteurs mais aussi par le biais des taux des dépôts. Une hausse des taux des dépôts incite à épargner davantage, ce qui freine la consommation. Du point de vue de la transmission de la politique monétaire, il est souhaitable que les hausses des taux directeurs de la BCE soient répercutées sur les taux des dépôts. Mais nous ne pouvons pas obliger les banques à relever ces taux, c’est une décision qui leur appartient.

L’inconvénient est que des taux d’intérêt plus hauts sur les dépôts érodent la rentabilité des banques, comme le secteur le signale lui-même. Percevez-vous un danger pour la stabilité financière ?

Dernièrement, la rentabilité bancaire s’est beaucoup améliorée, même si, j’en conviens, la hausse des taux des dépôts et d’autres financements bancaires aura un effet modérateur au fil du temps. Mais c’est aux banques qu’il appartient de gérer leur risque de taux d’intérêt. Nous avons constaté récemment des exemples marquants de banques qui n’ont pas su gérer ce risque de manière adéquate aux États-Unis, même s’il s’agit d’un des risques fondamentaux dans l’activité bancaire.

La situation semble meilleure dans la zone euro, grâce aux ratios élevés de fonds propres et de liquidité des banques. Mais il faut se garder de tout excès de confiance. La remontée des taux d'intérêt a profondément modifié l’environnement macroéconomique, exposant les fragilités du système financier qui se sont renforcées durant la période de taux d’intérêt très bas. La Financial Stability Review (revue de stabilité financière) que nous avons publiée la semaine dernière met en lumière ces risques. Les prix de certains actifs, notamment ceux de l’immobilier, pourraient se retrouver sous pression. La hausse de l’endettement des ménages, des entreprises et des emprunteurs souverains tend à accroître leur vulnérabilité face à des taux d’intérêt plus élevés. Les banques et les établissements financiers non bancaires, quant à eux, font face à des risques de liquidité et de taux d’intérêt.

Les banques centrales ne sont-elles pas responsables ? L’économiste Raghuram Rajan a déclaré récemment que les politiques monétaires extrêmement accommodantes avaient rendu le système financier vulnérable en encourageant la spéculation. Partagez-vous cet avis ?

Les banques centrales doivent toujours prendre en compte les effets secondaires de leurs mesures de politique monétaire, y compris les risques pour la stabilité financière. L’un des objectifs de nos achats d’obligations a été d’encourager une plus grande prise de risques dans l’économie. Il nous faut analyser plus en détail comment cela a pesé sur la stabilité financière au fil du temps et, à l’avenir, nous pourrions devoir trouver un meilleur équilibre entre avantages et effets secondaires. Il est clair que les fragilités sont dues en partie à une longue période de faibles taux d’intérêt, qui toutefois n’a pas tenu uniquement à la politique monétaire, mais aussi à des facteurs structurels.

Par le passé, resserrer la politique monétaire après une longue période d’argent bon marché a souvent entraîné une crise bancaire. Pensez-vous que d’autres incidents peuvent être évités ?

Le secteur bancaire est robuste, et jusqu’à présent, l’économie s’est montrée résiliente, bien que des signes de ralentissement de la croissance soient apparus. L’économie de la zone euro est soumise à des forces opposées. D’un côté, elle bénéficie de la baisse des prix de l’énergie, de la dissipation des goulets d’étranglement du côté de l’offre et de politiques budgétaires encore expansionnistes. De l’autre, le resserrement de la politique monétaire a un effet modérateur. On constate une divergence marquante entre un secteur manufacturier atone et un secteur des services dynamique, et c’est un phénomène mondial. À ce stade, nous ne nous attendons pas à une récession dans la zone euro. La croissance négative en Allemagne au premier trimestre 2023 a été essentiellement liée à un net recul de la dépense publique. Le marché du travail reste solide et le chômage est à un niveau extrêmement bas. Nos projections de mars suggéraient un atterrissage en douceur de l’économie. Nous ne pouvons toutefois pas être sûrs qu’il en ira vraiment ainsi.

Vous avez mentionné les politiques budgétaires, qui ont été très accommodantes depuis la pandémie. N’entravent-elles pas votre lutte contre l’inflation ?

Les politiques budgétaires restent expansionnistes dans l’ensemble de la zone euro, et cela alimente les tensions inflationnistes. La politique monétaire doit donc être plus restrictive pour contrer ces effets. Nous avons signalé depuis quelque temps que les pouvoirs publics devaient s’efforcer de renforcer la capacité d’offre de leurs économies afin d’accroître la productivité (à travers l’enseignement, les infrastructures, le marché du travail, NDLR). Cela contribuerait à atténuer l’inflation. Mais ce n’est pas ce que la plupart des pays font.

À propos de politique restrictive : la BCE compte-t-elle encore des faucons ? Les banquiers centraux allemands, comme vous, sont connus pour leur soutien à une politique rigide et stricte alors que vous avez la réputation d’être pragmatique, d’analyser les données et de ne pas avoir peur de changer d’avis.

Nous examinons tous les données pour prendre les bonnes décisions. Mais ces données peuvent être interprétées de plusieurs façons, ce qui explique nos longs échanges. Nous essayons de prendre des décisions équilibrées qui ne laissent aucune place à l’idéologie.

Pouvez-vous nous donner un exemple d’un tel échange nourri au sein du Conseil des gouverneurs ?

Nous avons notamment évoqué longuement les répercussions des évolutions des prix de l’énergie pour l’économie. Nous avons constaté une répercussion très rapide de la hausse des prix de l’énergie sur les prix à la consommation. La question était de savoir à quelle vitesse cette évolution s’inverserait quand les prix de l’énergie diminueraient et si l’on pouvait s’attendre à un retour au niveau initial des prix ou à une réaction asymétrique. Pour mieux comprendre et avoir des échanges de qualité, nous nous sommes intéressés à des éléments empiriques observés sur des périodes antérieures.

Qu’en est-il des modèles de la BCE relatifs à l’inflation, qui ont échoué à établir des projections fiables depuis des années ? Comment l’amélioration de ces modèles progresse-t-elle ?

Notre objectif d’inflation est défini à moyen terme, aussi devons-nous adopter une approche prospective. Les modèles sont donc un élément indispensable de notre boîte à outils, même si nous devons admettre qu’ils n’ont pas toujours fonctionné au mieux ces dernières années. J’en tire deux conclusions : nous devons être conscients des limites de ces modèles ; et nous devons essayer de les améliorer autant que possible.

En ce qui concerne tout d’abord les limites des modèles, nous devons être plus transparents quant aux incertitudes qui entourent nos projections. Elles peuvent découler, par exemple, de ruptures dans des évolutions de très long terme, ou de différents modèles produisant des résultats disparates. Par ailleurs, les modèles ne tiennent souvent pas compte du risque d’un désancrage des anticipations d'inflation. Enfin, nous devons communiquer plus clairement qu’aucun modèle ne peut prévoir des chocs exogènes tels qu’une pandémie ou une guerre.

Pour améliorer nos modèles de projection, nous devons analyser les causes de leurs erreurs et étudier dans quelle mesure nous pouvons les modifier en conséquence. C’est un processus constant.

Une plus grande transparence quant à l’incertitude de vos projections ne nuira-t-elle pas à l’efficacité de la politique monétaire ?

Je ne pense pas. En mettant l’accent sur les estimations ponctuelles de nos prévisions, on donne l’illusion d’un degré de précision qu’on ne pourra jamais atteindre. Au lieu d’expliquer constamment les raisons de l’imprécision des projections, il serait bénéfique pour notre crédibilité que nous les accompagnions d’intervalles de confiance. La transparence renforcera notre crédibilité, même si je ne nie pas qu’il soit difficile de communiquer clairement dans ce domaine.

Une autre possibilité, que nous avons utilisée pendant la pandémie, est de présenter différents scénarios. Cela peut être très utile dans des circonstances exceptionnelles.

Comment l’inflation devrait-elle évoluer à long terme, selon vous ? Des forces structurelles telles que la démondialisation et le changement climatique vont-elles nous conduire vers un monde d’inflation plus élevée ?

Nos modèles de projection ne reflètent pas les tendances structurelles au sein de l’économie. Nous analysons ces tendances à l’aide d’un autre exercice, qui alimente en partie les modèles. La pandémie et la guerre en Ukraine ont clairement provoqué des changements structurels, principalement des bouleversements géopolitiques, pouvant entraîner un recul de la mondialisation. Cette évolution pourrait en partie inverser le processus qui avait été observé lorsque la Chine était entrée sur le marché mondial. L’offre mondiale et la concurrence internationale s’étaient accrues, et les entreprises occidentales avaient ainsi pu délocaliser leurs activités (et bénéficier de coûts salariaux plus faibles en Chine, NDLR), ce qui s’était traduit par des tensions baissières sur l’inflation. Nous pourrions maintenant observer l’évolution inverse.

Un second changement structurel est la transition écologique. Cette évolution devrait, selon moi, entraîner une accentuation des tensions inflationnistes par le biais de trois canaux. Le premier est la fréquence accrue des catastrophes naturelles. Je parle d’inflation climatique ou « climateflation ». Le deuxième est le renchérissement des combustibles fossiles (« fossilflation ») pendant la phase de transition, sous l’effet de taxes sur les émissions de carbone et de la réduction des investissements dans ce secteur. Enfin, le passage à des énergies renouvelables entraînera une hausse de la demande de certains métaux et minerais, ce que j’appelle l’« inflation verte » (ou « greenflation »).

Et d’autres tendances sont également à l’œuvre, l'évolution démographique notamment. Son effet futur sur l’inflation reste largement débattu. Nous avons vu ces dix dernières années que des sociétés vieillissantes tendent à épargner davantage et à moins dépenser, ce qui ralentit l’inflation. La question qui se pose est de savoir si les personnes âgées, ou leurs héritiers, vont dépenser leurs économies. Les évolutions du marché du travail pourraient aussi avoir une incidence significative sur l’inflation, une baisse du nombre de personnes en âge de travailler poussant les salaires à la hausse, sauf si cette tendance est compensée par une plus forte immigration.

Au-delà de tous ces facteurs, nous assistons également à de nouveaux bouleversements technologiques comme la révolution de l’intelligence artificielle (IA). L’expérience nous apprend que ces évolutions ont généralement un effet modérateur sur l’inflation dans la mesure où elles augmentent la productivité. Compte tenu de l’ensemble de ces forces structurelles, les tensions inflationnistes devraient, je pense, être structurellement plus élevées à l’avenir.

Qu’est-ce que cela signifie pour la politique monétaire ? Devra-t-elle être ajustée, y compris l’objectif d’inflation, pour faire face à la nouvelle réalité et éviter tout déphasage ?

Les chocs d’offre ont des effets importants sur la politique monétaire. Dans bien des cas, nous ne pouvons pas nous contenter de faire abstraction de ces chocs, nous devons au contraire y faire face conformément à notre mandat de maintien de la stabilité des prix. Nous ne pensons même pas à envisager de modifier notre objectif d’inflation.

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