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50e anniversaire du Club de Paris

Intervention de Jean-Claude Trichet, Président de la BCE
Club de Paris
Paris, le 14 juin 2006

C’est pour moi un grand plaisir de m’exprimer ici à Paris à l’occasion du 50e anniversaire du Club de Paris. Je le dis non seulement parce que le Club de Paris est un forum important qui a apporté une contribution majeure à la restructuration ordonnée de dettes, mais aussi, bien évidemment, en raison des souvenirs personnels qui me lient au Club de Paris. J’ai pris une part active à ses activités pendant de nombreuses années – de 1982 à 1993 –, conjointement avec de nombreux amis très proches du monde entier.

Le Club de Paris, qui est chargé du rééchelonnement des créances officielles bilatérales sur les pays en développement et les économies de marché émergentes, a joué un rôle remarquable en tant que forum de gestion et de résolution des crises. Intégré dans le système financier international, le Club de Paris a su, au cours des dernières décennies, répondre aux mutations du paysage financier international et faire face aux diverses crises financières en adaptant systématiquement ses modalités de fonctionnement aux besoins changeants des différents groupes de pays endettés. En particulier, une fois qu’il a été admis que les mécanismes traditionnels n’étaient pas suffisants pour obtenir des niveaux de dette extérieure soutenables, le Club de Paris a instauré des programmes de restructuration de dettes négociés à des conditions de plus en plus privilégiées ainsi que, à compter de la fin des années 1980, des mécanismes de réduction de la dette destinés à traiter le problème que pose à certains pays l’alourdissement de la charge de la dette. Au cours de cette période, les activités du Club de Paris ont atteint un niveau record. Plus récemment, le nombre de pays négociant avec leurs créanciers le rééchelonnement de leur dette dans le cadre du Club de Paris s’est réduit, ce qui s’explique par l’amélioration de l’accès des pays à revenus moyens au financement de marché et par le traitement plus exhaustif du stock de dette des pays à faibles revenus. Depuis sa première session de négociation sur le rééchelonnement de dettes qui s’est tenue en 1956, le Club de Paris a fait preuve d’une grande efficacité et a conclu quelque 400 accords avec 81 pays débiteurs, portant sur un montant total de 523 milliards de dollars en valeur nominale. Le succès obtenu par le Club de Paris est tout à fait logique. Si l’on considère que ces résultats sont le fait de ce que l’on peut appeler une « non-institution » – le Club de Paris n’ayant été institué par aucun traité international ni aucune charte écrite –, cette réussite peut apparaître, mais seulement à première vue, comme un paradoxe.

Les opérations effectuées par le Club de Paris au cours de ces cinq dernières décennies reflètent à la fois la manière dont les pays en développement et les économies de marché émergentes ont bénéficié de la mondialisation économique et financière, et les défis auxquels ils ont dû faire face lors de ce processus. Permettez-moi de décrire plus en détail les bienfaits de la mondialisation économique et financière et les défis inévitables qui en découlent pour les responsables de la politique économique et les intervenants de marché.

Parmi les avantages procurés par la mondialisation, je voudrais juste en mentionner un qui est, me semble-t-il, particulièrement important pour les activités du Club de Paris. Les pays émergents s’intègrent de plus en plus dans l’économie mondiale. Ils participent de manière croissante aux échanges de biens et de capitaux, et peuvent profiter des transferts de savoir-faire et de technologies. Le contrôle par les investisseurs internationaux renforce la qualité de leur politique économique, contribuant ainsi à améliorer leurs fondamentaux économiques. Ces dernières années, un certain nombre de pays émergents ont fourni au reste du monde des ressources nettes sous la forme d’excédents courants – une tendance que personne n’aurait pu imaginer il y a encore quelques années, au plus fort de la crise asiatique. Compte tenu de ces évolutions, un nombre croissant de pays émergents ont réduit de manière significative leur endettement extérieur ou sont même devenus des créanciers nets vis-à-vis du reste du monde.

Ceci dit, la réussite sur le plan économique ne va pas sans comporter certains risques. La mondialisation et la libre circulation des capitaux ont rendu le système international plus vulnérable aux changements d’appréciation des investisseurs. Nous nous souvenons tous des graves crises financières qui se sont produites au cours de ces vingt-cinq dernières années, notamment les crises d’endettement des années 1980, qui ont éclaté en Pologne et au Mexique et se sont étendues à l’Amérique latine, à l’Afrique, au Moyen-Orient et à l’Union soviétique ; la crise mexicaine en 1994, la crise asiatique à partir de 1997, la crise russe en 1998 et la crise argentine en 2001-2002. Tous ces phénomènes, indépendamment de leur origine ou de leur ampleur, ont fait peser des menaces considérables sur le système financier international. Bien que la communauté internationale soit toujours parvenue à résoudre ces crises, celles-ci mettent en évidence les vulnérabilités potentielles de l’économie mondiale, dont la résistance ne va pas de soi. Cela est vrai même lors d’une période caractérisée par une forte croissance, une inflation basse et une stabilité des marchés financiers, comme celle que nous connaissons actuellement, surtout depuis 2003. Les crises financières passées ou, plus positivement, la prise de conscience accrue des risques observée récemment et qui se traduit par une plus forte volatilité des prix des actifs nous rappellent qu’il demeure nécessaire d’améliorer le fonctionnement des mécanismes permettant de prévenir et de résoudre de telles crises.

Je développerai principalement deux questions. En premier lieu, je voudrais analyser la contribution importante apportée par le Club de Paris à la restructuration ordonnée de dettes souveraines au cours des cinquante dernières années. En deuxième lieu, je vous ferai part de certaines observations concernant les évolutions récentes sur la scène internationale, liées à la prévention et la résolution des crises.

Histoire et succès obtenus par le Club de Paris

Le fait que le Club de Paris jouisse de la confiance de la communauté financière internationale depuis maintenant un demi-siècle s’explique par sa manière efficace de traiter la restructuration de dettes souveraines en associant pragmatisme et mise en œuvre de principes rigoureux lors de l’élaboration d’accords sur la restructuration de dettes.

Tout d’abord, en prenant ses décisions au cas par cas, le Club de Paris peut adapter son action à la situation particulière de chaque pays débiteur. Une telle approche témoigne d’une volonté d’adaptation permanente aux nouveaux problèmes financiers et aux difficultés inhérentes au rééchelonnement de la dette de certains pays. En deuxième lieu, les traitements de dette dans le cadre du Club de Paris font l’objet d’un consensus entre tous les pays créanciers participants. Troisièmement, les pays créanciers appliquent le principe de conditionnalité, en vertu duquel les traitements de dette ne sont accordés qu’aux pays qui ont besoin d’un rééchelonnement et qui mettent en œuvre des réformes appropriées destinées à résoudre leurs difficultés de paiement dans le cadre d’un programme du FMI. Quatrièmement, le principe de solidarité oblige chaque créancier, lors de la conclusion d’accords bilatéraux, à respecter les termes agréés dans le cadre de la négociation collective. Dernier élément, mais non des moindres, le Club de Paris attache une grande importance à la comparabilité de traitement entre tous les créanciers d’un pays débiteur. En insistant sur le fait qu’un pays débiteur ne doit pas accepter d’un autre créancier des conditions moins favorables que celles ayant fait l’objet d’un consensus du Club de Paris, on veille à ce que les créances des contribuables ne soient pas subordonnées à celles d’autres créanciers et à la préservation de leurs intérêts financiers. En outre, l’application d’une telle clause garantit que le traitement de dette agréé atteint son objectif déclaré, qui est de donner une assise soutenable à la charge de la dette pesant sur les pays débiteurs.

Gardant ces principes à l’esprit, quels sont les principaux résultats obtenus concrètement par le Club de Paris ?

Comme je l’ai mentionné, la première réunion du Club de Paris a eu lieu en 1956, lorsque l’Argentine et ses créanciers publics sont convenus de rééchelonner les paiements dus au titre des créances assorties d’une garantie officielle. À cette date, le Club de Paris n’était régi par aucune règle ou procédure formelle et avait pour seule vocation de fournir des réponses pragmatiques à des problèmes spécifiques. Jusqu’en 1980, les créanciers du Club de Paris ont conclu, en moyenne, quatre accords par an au maximum, appliquant les « termes classiques » du traitement standard selon lesquels les créances étaient rééchelonnées aux taux appropriés de marché. Au cours des premières années d’existence du Club de Paris, les négociations et les accords ont été normalisés progressivement, préparant ce forum en vue de la lourde tâche qui allait être la sienne.

Je garde un très vif souvenir de ces années d’intenses négociations et des activités générales du Club. Je me souviens très précisément des membres du Club à cette époque-là. Certains d’entre eux se trouvent dans cette salle, et je voudrais leur exprimer toute mon amitié et ma gratitude. Nous avons mené des discussions animées, mais il fut toujours possible de trouver des solutions grâce au degré extraordinaire de professionnalisme et de confiance mutuelle montré par les membres du Club.

Je garde un très vif souvenir des hauts responsables et des membres des gouvernements des pays débiteurs, parmi lesquels figuraient le Mexique, le Brésil, l’Argentine, la Pologne, l’Égypte, le Nigeria, le Maroc, l’Union soviétique, la Russie, et bien d’autres encore. Parmi ces personnalités, je voudrais mentionner Angel Gurría, l’actuel Secrétaire général de l’OCDE, qui était un négociateur remarquable, le premier qu’il me fut donné de rencontrer, qui défendait les intérêts du Mexique avec un professionnalisme et une lucidité remarquables.

Je me souviens aussi très précisément des principaux partenaires du Club au sein des secteurs public et privé, que j’ai rencontrés entre 1982 et 1993. Permettez-moi de citer les noms de Jacques de Larosière et de Michel Camdessus du FMI, ceux de Paul Volcker, Alan Greenspan et Bill McDonnough de la Réserve fédérale et celui de Bill Rhodes concernant le rééchelonnement pour le secteur privé. Sans toutes ces personnalités remarquables, sans leur lucidité et leur engagement infatiguable, le monde n’aurait pu surmonter les difficultés qui se présentaient à l’échelle planétaire.

Le Club de Paris a ressenti les effets de la crise mexicaine, car sa charge de travail s’est accrue de façon exponentielle : le nombre d’accords conclus est passé à plus de dix par an et a atteint un niveau record de 24 dossiers en 1989. De nombreux pays ont négocié des accords de dette multiples avec le Club de Paris. Ils représentaient toutes les régions du monde, mais surtout l’Afrique sub-saharienne et l’Amérique latine ainsi que l’Asie (Philippines), le Moyen-Orient (Égypte et Jordanie) et l’Europe centrale et orientale (Pologne, Yougoslavie et Bulgarie).

Bien que le mandat du Club de Paris se soit limité au rééchelonnement de dettes jusqu’en 1988, ses modalités de fonctionnement se sont modifiées radicalement à la fin des années 1980 en raison des graves répercussions que les crises d’endettement ont eues sur les pays les plus pauvres et les plus endettés. Le Club de Paris a adopté une approche entièrement nouvelle en matière de traitement de dette applicable aux pays dont la charge de la dette demeurait insoutenable. Il a décidé de réduire la valeur actuelle nette de la dette éligible, s’orientant ainsi vers des programmes de restructuration de dettes négociés à des conditions de plus en plus privilégiées, qui ont en fait comporté une réduction allant jusqu’à un tiers depuis 1988 selon les « termes de Toronto », de moitié depuis 1991 selon les « termes de Londres », et des deux tiers depuis 1995 selon les « termes de Naples ». Pour ces derniers, le Club de Paris est convenu, pour la première fois, d’envisager également l’application de traitements de stock – et pas seulement de traitements de flux, comme il l’avait fait jusqu’alors – afin de faciliter une sortie des rééchelonnements répétés. En dernier lieu, les pays à revenus moyens ont bénéficié de l’introduction des « termes de Houston » plus favorables en 1990.

Lorsqu’il apparut clairement que même les mécanismes de rééchelonnement et de réduction de dettes plus concessionnels les plus avancés ne permettaient toujours pas de revenir à des niveaux d’endettement extérieur soutenables, particulièrement dans plusieurs pays africains à faibles revenus, le FMI et la Banque mondiale ont lancé une nouvelle initiative capitale, en 1996, à savoir l’Initiative pour les pays pauvres très endettés (initiative PPTE). Dans le cadre de cette initiative, la communauté internationale dans son ensemble, en ce compris certaines institutions multilatérales, a convenu de prendre des mesures coordonnées afin de ramener l’endettement des pays éligibles à des niveaux soutenables. Les créanciers du Club de Paris, dans ce contexte, ont accepté d’augmenter le niveau de réduction de la valeur actuelle nette de la dette éligible jusqu’à 80 % sous les « termes de Lyon » et, en 2000, jusqu’à 90 %, ou plus, selon les « termes de Cologne ». Les implications financières de ces décisions ont été importantes : les créanciers du Club de Paris ont en effet pris en charge quelque 36 % du coût total de l’initiative, qui s’élève à 38 millions de dollars à ce jour. Enfin, l’initiative PPTE a été suivie, en 2005, par l’Initiative d’allégement de la dette multilatérale (IADM), qui autorise les institutions multilatérales à accorder une réduction de la dette de 100 % aux pays parvenant au terme du processus PPTE. Cette étape a marqué une rupture majeure par rapport au principe du statut de créancier privilégié des institutions financières internationales.

Au cours des dernières années, le Club de Paris a connu une autre évolution notable avec la forte diminution du nombre de pays concluant des accords de rééchelonnement avec les créanciers du Club. Outre les évolutions macroéconomiques de nature plus générale que j’ai rappelées au début de mon intervention, cette tendance bienvenue résulte également de deux développements plus spécifiques : en premier lieu, le traitement de stock de la dette plus complet des pays à faibles revenus et, en second lieu, un dénouement progressif des rééchelonnements de la plupart des pays à revenus moyens grâce à la mise en œuvre de réformes économiques ayant élargi leur accès au financement de marché et donc aux créanciers privés. En effet, alors que les flux publics vers les pays émergents occupaient une place prépondérante dans les années 1980, avec plus de 60 % en moyenne des flux totaux, les flux privés ont considérablement augmenté dans les années 1990, pour représenter environ 85 % en moyenne entre 1990 et 2003. Le Club de Paris a dès lors accordé une attention croissante à la coordination avec les créanciers privés. Des discussions préliminaires peuvent en particulier être programmées lorsque la proportion de dette extérieure privée est jugée significative et lorsque la question de l’égalité de traitement est posée. Les créanciers du Club de Paris et les représentants du secteur privé peuvent également être amenés à coordonner leurs actions si les créanciers privés manifestent leur volonté de contribuer, de bonne foi, à restaurer la soutenabilité de la dette et si un traitement de dette complet est envisagé.

Du fait de l’accès accru au financement de marché pour les pays à revenus moyens, le Club de Paris a d’ores et déjà conclu un nombre croissant d’accords de remboursement anticipé avec les pays débiteurs. La Pologne, la Fédération de Russie, le Pérou et le Brésil ont ainsi signé récemment de tels accords. Je signale en passant que le FMI se trouve dans une situation semblable dans la mesure où il fait face à une forte baisse des recours à ses ressources depuis quelques années.

Permettez-moi de conclure cette partie de mon intervention par une réponse à ceux qui affirment que le Club de Paris manque de transparence et de prévisibilité. Je dirais que, bien au contraire, le Club de Paris s’appuie sur des règles claires, transparentes et adaptées pour répondre aux besoins de différents groupes de pays. Ainsi, alors que les termes classiques du Club constituent le traitement standard, les termes de Houston, de Naples et de Cologne s’appliquent, respectivement, aux pays très endettés à revenus intermédiaires de la tranche inférieure, aux pays pauvres fortement endettés et aux pays éligibles à l’initiative PPTE. En outre, ancré dans le système financier international, le Club de Paris collabore étroitement non seulement avec les pays créanciers et débiteurs mais également avec le FMI et les intervenants de marché.

Prévention et résolution des crises

J’ai présenté le Club de Paris comme une instance importante de négociations, à la fois entre les pays créanciers et les différents pays débiteurs et entre les créanciers eux-mêmes. Je voudrais à présent, dans une perspective plus large, partager avec vous quelques réflexions sur la situation actuelle de la communauté internationale dans le domaine de la prévention et de la résolution des crises.

En ce qui concerne tout d’abord la prévention des crises, il convient de noter le nombre croissant d’initiatives de responsables politiques et économiques et d’intervenants de marché en vue de renforcer la transparence et de promouvoir les bonnes pratiques. L’une des faiblesses identifiées à l’occasion des crises financières des années 1990 a été la forte asymétrie des informations disponibles au niveau des autorités locales, des intervenants de marché et des institutions financières internationales. La transparence est une condition préalable fondamentale au bon fonctionnement des marchés dans la mesure où elle permet une meilleure gestion des risques et entraîne un renforcement de la discipline de marché. Les changements notables apportés dans plusieurs domaines sont par conséquent les bienvenus. Par exemple, le FMI communique désormais des informations sur les politiques qu’il mène et promeut une plus grande transparence de la part de ses membres. Un grand nombre de normes internationales et de codes de bonnes pratiques ont été adoptés, couvrant des domaines aussi différents que la transparence des politiques budgétaires ou des politiques monétaires et financières, la surveillance bancaire, le gouvernement d’entreprise, la comptabilité et l’audit. Le Club de Paris a lui aussi pris des mesures visant à accroître la transparence de ses procédures, en organisant des réunions avec des représentants du secteur privé et en fournissant des informations détaillées sur son site Internet, par exemple.

S’agissant de la gestion et de la résolution des crises, d’importantes leçons ont été tirées, à mon sens, des expériences passées. Les débats se sont poursuivis sur le niveau d’implication approprié du secteur privé dans la résolution des crises d’endettement. Cette question n’importe pas uniquement au vu de la disponibilité limitée des fonds publics, elle tient également aux préoccupations d’aléa moral liées à l’assistance financière importante fournie par le secteur public. Chaque crise étant différente, le défi consiste chaque fois à trouver le bon dosage entre l’ajustement propre au sein du pays débiteur, le rôle du secteur privé et l’aide publique. En ce qui concerne le rôle du secteur public dans le domaine de la gestion des crises, le FMI continue ses travaux sur plusieurs questions dans le cadre de la révision stratégique de ses activités. Une question a trait, en premier lieu, au manque de principes clairs régissant l’implication du Fonds dans le processus de restructuration de la dette souveraine lorsqu’un pays est confronté à un endettement insoutenable. Le cas de l’Argentine est un exemple de processus très difficile de restructuration de la dette. Il est crucial que les autorités collaborent étroitement avec leurs créanciers et que le FMI demeure associé de près au processus et joue un rôle actif dans la fourniture d’informations. Dans ce contexte, les débats doivent être poursuivis quant à la question de savoir comment le Fonds doit soutenir financièrement un pays en phase de renégociation de sa dette avec ses créanciers privés, c’est-à-dire quant à la politique de prêts à des pays en situation d'arriérés. En second lieu, les discussions continuent sur le cadre appliqué aux programmes d’assistance financière importante – la politique dite d’accès exceptionnel – qui fixe des règles destinées à rendre la politique de prêts du Fonds davantage prévisible. Enfin, des propositions font l’objet d’un examen approfondi en ce qui concerne un nouvel instrument qui fournirait un accès élevé à un financement conditionnel. Globalement, ce qui compte à l’occasion de cette réflexion est de renforcer la prédictibilité et la clarté de la part du secteur public afin de fournir les incitations adéquates à l’ensemble des parties prenantes.

Les réponses à plusieurs questions doivent encore être apportées en termes de résolution des crises, mais des progrès substantiels ont été réalisés sur deux fronts, visant chacun à améliorer les relations entre débiteurs et créditeurs et à définir ex ante les conditions optimales permettant de faire face à de possibles crises financières entraînant une restructuration de la dette. Ce faisant, ces deux initiatives sont bénéfiques également, d’ailleurs, dans le domaine de la prévention des crises.

En premier lieu, à la suite de l’émission, pour la première fois, par le Mexique, d’obligations incluant des clauses d’action collective (CAC) en février 2003, l’adoption de telles clauses dans les obligations souveraines internationales s’est nettement répandue. Pratiquement l’ensemble des obligations souveraines internationales émises depuis la mi-2005 renferment des clauses d’action collective, qui, si elles n’ont pas encore été mises à l’épreuve, sont devenues la norme du marché. Les intervenants de marché ont confirmé que l’inclusion de clauses d’action collective n’a pas modifié la valorisation des obligations souveraines internationales, contrairement à ce que l’on avait craint initialement. En conséquence, la part de l’encours d’obligations comportant une clause d’action collective a augmenté pour atteindre 60 % à fin février 2006. Cela signifie que nous assistons à une transition progressive vers une situation dans laquelle l’ensemble des obligations incluront de telles clauses. Ce développement est remarquable, notamment si l’on se souvient du scepticisme que de nombreux pays et représentants du secteur privé avaient manifesté à l’égard des recommandations formulées par le rapport Rey publié après la crise mexicaine de 1994.

En second lieu, je suis heureux de constater que les Principles for Stable Capital Flows and Fair Debt Restructuring in Emerging Markets (Principes pour des flux de capitaux stables et des restructurations de dette équitables dans les marchés émergents), qui avaient été adoptés par le G 20 en novembre 2004, recueillent un soutien international de plus en plus large. Ces principes, fondés sur le marché et adoptés sur une base volontaire, visent à fournir des recommandations aux émetteurs souverains et à leurs créanciers privés sur le comportement à adopter en matière de partage d’informations, de dialogue et de coopération étroite en périodes de turbulences financières. J’ai personnellement participé dès le départ au lancement de ces principes en émettant l’idée que de telles recommandations étaient susceptibles de contribuer à éviter que les problèmes de liquidité ne se transforment en profonde crise financière ayant de graves répercussions pour l’ensemble des parties prenantes. Ces principes concourront aussi probablement à l’amélioration de la gestion de possibles et futures restructurations de dette du secteur privé.

Conclusion

De mon point de vue, dans une perspective de long terme, le Club de Paris semble avoir été, à de nombreux égards, un précurseur traçant la voie vers certaines des principales caractéristiques qui, ultérieurement, se sont avérées appropriées dans la gestion de l’économie et de la finance mondialisées que nous connaissons d’aujourd’hui, prometteuses mais complexes.

Ainsi, en premier lieu, le Club de Paris a eu une dimension « globale » dès ses débuts. Il est remarquable que, dès 1956, dans le cas de l’Argentine, il soit apparu indispensable de développer un concept unique pour la restructuration des prêts publics, plutôt que de privilégier une série d’accords bilatéraux. De la même manière, dès que des créanciers issus du monde émergent ont exprimé le désir de participer aux activités du groupe de créanciers, ils ont été acceptés. Le Brésil a ainsi été le créancier de la Pologne…

En deuxième lieu, le Club de Paris a toujours été et reste ouvert et transparent. L’initiative était audacieuse, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, d’inviter l’ensemble des institutions internationales, notamment le FMI, la Banque mondiale et les Banques régionales de développement, ainsi que le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et l’OCDE, à participer et/ou être observateur lors des négociations de restructuration de dettes. Ce niveau de transparence inconnu jusqu’alors tranche nettement avec la grande discrétion des négociations bilatérales qui étaient la règle avant que le Club ne soit créé.

En troisième lieu, le Club de Paris a été et reste basé sur un ensemble de principes appliqués par toutes les parties concernées sur une base purement volontaire. Une nouvelle institution n’a pas été créée, de nouvelles dispositions législatives ou réglementaires n’ont pas été adoptées. Mondialisation et participation globalisée, transparence, mise en œuvre volontaire des principes sont, à mon avis, trois caractéristiques essentielles qui ont été non seulement nécessaires mais qui se sont aussi révélées payantes dans le monde d’aujourd’hui. Je voudrais souligner particulièrement l’importance systémique dans le monde actuel des codes de bonne conduite et de bonnes pratiques, les « principes », qui sont adoptés au niveau mondial sur la base d’un large consensus, sont appliqués sur une base volontaire et incluent une transparence accrue. Il s’agit là d’un élément clé permettant de mieux comprendre les évolutions actuelles de l’économie et de la finance internationale. Je suis fier, avec l’ensemble des personnes présentes ici, que le Club de Paris ait été l’un des pionniers sur la voie d’évolutions qui ont été, et sont, si prometteuses.

Je vous remercie de votre attention.

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