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La politique monétaire de la BCE axée sur la stabilité

Intervention de M. Christian Noyer Vice-président de la Banque centrale européenne,à la conférence organisée par HSBC CCF Securities, Paris, 6 septembre 2001

Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux de pouvoir m'exprimer aujourd'hui à Paris dans le cadre de ce forum organisé par HSBC. Ma contribution au débat de ce jour sur les stratégies prendra la forme d'une explication de la stratégie monétaire de la BCE : en quoi aide-t-elle le Conseil des gouverneurs de la BCE dans ses délibérations de politique monétaire, quel est son rôle dans la communication avec le public ? Je souhaiterais ensuite évoquer la situation économique et monétaire actuelle et ses implications pour la politique monétaire. Enfin, j'aimerais vous fournir quelques informations sur l'introduction des nouveaux billets et pièces en euros.

Permettez-moi donc d'aborder en premier lieu la stratégie de politique monétaire de la BCE. L'objectif principal de la BCE consiste à maintenir la stabilité des prix dans la zone euro. Cet objectif a été choisi parce que la stabilité des prix favorise l'élévation du niveau de vie, à travers différents canaux. Le maintien de prix stables renforce la transparence des prix relatifs, ce qui stimule la concurrence. Les primes de risque liées à l'inflation qu'exigeraient les investisseurs confrontés à des incertitudes sur les prix sont ainsi minimisées. Les entreprises et les particuliers peuvent se couvrir plus facilement, sur les marchés financiers, contre les risques d'inflation et de déflation et peuvent donc affecter leurs ressources à des utilisations productives. Dans un environnement caractérisé par la stabilité des prix, les éventuelles distorsions engendrées par les législations fiscales sont réduites. L'allocation plus efficiente des facteurs de production qui en découle peut contribuer à accroître la production potentielle. De plus, l'inflation n'est pas davantage souhaitable d'un point de vue social, car elle conduit à une redistribution « aléatoire » des richesses entre les différents acteurs économiques, au détriment des plus vulnérables.

Depuis le début de 1999, la BCE applique une stratégie de politique monétaire fondée sur une définition quantitative de la stabilité des prix et l'analyse des risques pesant sur celle-ci. Cette stratégie a aidé le Conseil des gouverneurs à prendre les décisions de politique monétaire et à les expliquer. Elle a joué un rôle majeur dans la réussite de la mission de stabilisation de l'inflation et a suscité des débats dans les milieux universitaires sur la question de savoir si certains de ses éléments devaient être adoptés par d'autres autorités monétaires.

La définition quantitative précise de la stabilité des prix constitue l'élément fondamental du cadre de la politique monétaire de la BCE. Elle souligne clairement l'objectif du Conseil des gouverneurs d'une augmentation annuelle de l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) inférieure à 2 % dans la zone euro. De plus, le Conseil des gouverneurs a indiqué que la stabilité des prix ainsi définie devait être maintenue sur le moyen terme. L'opinion publique bénéficie donc d'informations claires quant aux perspectives d'inflation. Par ailleurs, le cadre d'analyse transparent propre à la BCE permet, en fournissant des repères, d'évaluer et de juger plus facilement son action.

La déclaration selon laquelle « la stabilité des prix doit être maintenue sur le moyen terme » reflète l'existence d'une certaine volatilité des prix à court terme résultant de chocs de nature non monétaire affectant le niveau général des prix, tels que les effets des changements de la fiscalité indirecte ou les variations des cours internationaux des matières premières. D'excellents arguments économiques appuient le choix d'une politique monétaire orientée vers le moyen terme. En effet, la politique monétaire agit sur les prix avec des délais « longs et variables », de sorte qu'une politique de réglage fin de l'économie n'est, en pratique, ni souhaitable, ni viable. Bien entendu, la BCE ne peut être tenue pour responsable de ces chocs de court terme sur le niveau général des prix, car elle n'a guère d'influence sur eux. En revanche, en évaluant les résultats de la politique monétaire de la BCE sur le moyen terme, la notion de responsabilité prend tout son sens.

Il est indispensable de poursuivre un objectif clairement défini. Mais il est également nécessaire que la BCE, comme n'importe quelle autre banque centrale, dispose d'un cadre d'analyse facilitant la réalisation de cet objectif. La BCE, au travers de sa stratégie, reconnaît qu'aucun modèle ou schéma ne peut, dans un environnement marqué par les changements et les incertitudes, décrire parfaitement les processus économiques en cours et leurs conséquences pour la stabilité des prix.

La nécessité d'adopter une approche diversifiée pour analyser et évaluer les informations dans un environnement incertain a constitué un argument essentiel en faveur du choix d'une stratégie à deux piliers pour la BCE. Dans un environnement complexe et changeant, les perspectives distinctes, mais se renforçant mutuellement, qui se dégagent des deux piliers représentent pour la BCE le meilleur instrument permettant de communiquer et de maîtriser les informations nécessaires à la conduite de la politique monétaire.

La BCE assigne un rôle de premier plan à la monnaie dans le cadre du premier pilier. Une large gamme d'agrégats, allant de M3 à ses composantes et ses contreparties, en particulier l'encours des crédits, est analysée afin d'évaluer les risques pour la stabilité des prix. En accordant un rôle prépondérant à la monnaie, on veille à ce que l'analyse sous-tendant les décisions de politique monétaire ne néglige pas les origines fondamentalement monétaires de l'inflation.

Le rôle essentiel assigné à la monnaie est signalé par l'annonce d'une valeur de référence, fixée à 4½ %, pour la croissance annuelle de l'agrégat monétaire large M3. Cette valeur de référence correspond au taux de croissance de M3 compatible avec la stabilité des prix à moyen terme. La BCE a expliqué d'emblée qu'elle ne réagirait pas mécaniquement aux écarts constatés entre la croissance de M3 et la valeur de référence. Au contraire, la prudence doit toujours être de mise dans l'analyse des évolutions monétaires et l'évaluation des informations qu'elles renferment en ce qui concerne l'inflation future. En effet, la relation entre la monnaie et les prix est, pour l'essentiel, une relation à moyen terme ; par conséquent, les évolutions à court terme des agrégats monétaires doivent toujours être interprétées avec circonspection.

Parallèlement, de nombreux autres indicateurs économiques et financiers sont analysés dans le cadre du second pilier afin, d'une part, d'obtenir des informations complémentaires qui ne sont pas contenues dans les données monétaires et, d'autre part, de recouper les éléments ressortant de l'examen des évolutions monétaires. L'analyse effectuée à travers le second pilier a pour objet de mettre en évidence l'incidence d'une série de facteurs sur l'évolution des prix dans une perspective de court à moyen terme. Il s'agit par exemple des évolutions salariales, des fluctuations des prix des matières premières et des taux de change, de la confiance des consommateurs et des entreprises, etc.

Dans le cadre du second pilier, les projections macroéconomiques, qui reposent sur des modèles communément utilisés, constituent également un outil de regroupement et de synthèse des informations disponibles. La BCE, qui s'est engagée à faire preuve de transparence, publie les projections macroéconomiques établies par les experts de l'Eurosystème depuis décembre 2000. Mais l'analyse effectuée au titre du second pilier ne se résume pas à la production de projections. Les projections des experts ne peuvent, en pratique, inclure les évolutions les plus récentes de tous les indicateurs économiques. Il est par conséquent utile de surveiller l'évolution de tel ou tel indicateur parallèlement à l'élaboration des projections, ne serait-ce que parce qu'une telle analyse apporte aussi des indications sur les tendances influençant les projections. Le Conseil des gouverneurs examine également, au titre du second pilier de la stratégie de la BCE, des indicateurs mesurant les anticipations des marchés financiers, à partir des rendements et des prix des actifs financiers. Le Conseil tient également compte des prévisions pour la zone euro publiées par les organisations internationales et le secteur privé. L'ensemble de ces informations sont évaluées simultanément par le Conseil des gouverneurs dans le cadre du second pilier et complétées par l'analyse monétaire conduite au titre du premier pilier.

Lors des discussions préalables aux décisions de politique monétaire, le Conseil des gouverneurs tient systématiquement compte des analyses effectuées dans le cadre de chacun des deux piliers, complémentaires, de la stratégie de politique monétaire de la BCE. Cette approche fondée sur l'intégration de différents cadres d'analyse constitue assurément l'un des points forts de la stratégie de la BCE et le besoin qui s'ensuit de décisions cohérentes à travers plusieurs modèles de l'économie s'impose naturellement.

Une bonne compréhension par le public de la politique monétaire de la BCE renforce son efficacité et assoit sa crédibilité. L'expérience accumulée depuis le début de la troisième phase de l'UEM montre une forte crédibilité de la BCE dans la lutte contre l'inflation. En effet, les anticipations d'inflation à long terme sont restées compatibles avec la stabilité des prix depuis le début de 1999.

Permettez-moi, à ce stade, d'expliquer brièvement l'analyse menée par le Conseil des gouverneurs dans le cadre des deux piliers de la stratégie de politique monétaire de la BCE.

S'agissant du premier pilier, la croissance des agrégats monétaires s'est quelque peu accélérée au cours des derniers mois. Pendant la période allant de mai à juillet, la moyenne mobile sur trois mois des taux de croissance de M3 a été de 5,9 %. Ce chiffre doit toutefois être corrigé pour tenir compte du biais à la hausse induit par la détention par les non-résidents de la zone euro de titres du marché monétaire et de titres de créance à court terme. Selon des estimations provisoires, ces facteurs participent à concurrence d'environ trois quarts de point de pourcentage à la hausse de M3 en rythme annuel. Par ailleurs, l'évolution récente de cette variable est étroitement liée aux effets exercés sur la demande de monnaie par certains facteurs qui devraient être temporaires. Tout d'abord, l'accélération de la croissance de M3 ces derniers mois s'explique par la courbe des rendements relativement plate ainsi que par la faiblesse récente des marchés boursiers, deux éléments qui ont favorisé la détention de dépôts à court terme et de titres négociables compris dans M3. Deuxièmement, dans la mesure où cette évolution traduit également le besoin des consommateurs de détenir des encaisses plus importantes afin de financer la hausse antérieure des prix de l'énergie et des produits alimentaires, l'accélération de M3 ces derniers mois pourrait être temporaire et n'aura pas nécessairement une incidence sur la stabilité des prix à moyen terme. Enfin, si elle reste vigoureuse, l'expansion en rythme annuel des créances sur le secteur privé a continué de ralentir au cours des mois écoulés.

S'agissant du second pilier, une atténuation des tensions inflationnistes apparaît clairement du côté de la demande. Les données récentes relatives à l'activité économique indiquent que la croissance, en 2001, du PIB en volume sera très probablement plus faible que prévu il y a quelques mois. Cette décélération s'explique à la fois par le ralentissement de l'économie internationale, qui a pesé sur les exportations de la zone euro, et par une croissance de la consommation plus faible que prévu, sous l'effet de pertes de revenu réel disponible liées à la hausse des prix à la consommation survenue précédemment. Tous ces facteurs ont également influencé négativement l'investissement. Cela étant, à terme, le ralentissement attendu des prix à la consommation, auquel la remontée du taux de change a contribué, devrait conforter la croissance de la demande intérieure. L'incidence des allégements fiscaux mis en oeuvre dans plusieurs pays de la zone euro et les conditions de financement favorables devraient elles aussi exercer des effets positifs sur la croissance au sein de la zone euro.

En ce qui concerne l'évolution des prix, la hausse annuelle des prix à la consommation dans la zone euro, mesurée par l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), s'est ralentie, revenant à 2,8 % en juillet 2001, contre un point haut de 3,4 % en mai. Une des préoccupations concernant les perspectives de stabilité des prix dans les années à venir est liée à l'apparition d'éventuels effets de second tour, par le biais des salaires, sur le niveau actuel de la hausse des prix à la consommation. Les informations disponibles indiquent que la modération salariale a prévalu au premier trimestre 2001. À ce stade, deux facteurs vont dans le sens d'une poursuite de cette tendance baissière. En premier lieu, le ralentissement de l'activité économique peut contribuer à contenir les tensions inflationnistes émanant du marché du travail. En second lieu, des signes encourageants, provenant notamment des données relatives aux prix à la consommation et à la production, confirment le caractère temporaire de la hausse des prix à la consommation. En l'absence de nouveaux chocs défavorables, un retour à la stabilité des prix dans un avenir relativement proche semble probable.

Dans ce contexte d'atténuation des tensions inflationnistes, le Conseil des gouverneurs a décidé, le 30 août 2001, d'abaisser de 25 points de base le taux de soumission minimal appliqué aux opérations principales de refinancement de l'Eurosystème ainsi que les taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal et de la facilité de dépôt. Le Conseil a souligné que les taux d'intérêt se situaient à un niveau compatible avec le maintien de la stabilité des prix à moyen terme, qui est par ailleurs essentiel pour créer un environnement favorable à une croissance économique durable.

J'aimerais également, si vous le permettez, évoquer brièvement les récentes discussions relatives aux politiques budgétaires. La détermination des gouvernements à respecter strictement le Pacte de stabilité et de croissance et à atteindre une situation budgétaire proche de l'équilibre ou en excédent est indispensable pour assurer le succès de l'euro. Dans les conditions actuelles, les stabilisateurs automatiques ne devraient être autorisés à jouer pleinement leur rôle que dans les pays dont la situation budgétaire a atteint un tel niveau. Laissez-moi souligner qu'il est essentiel, dans tous les pays de la zone euro, de conduire des politiques budgétaires dans une perspective à moyen terme. Les mesures discrétionnaires à court terme visant à renforcer la demande intérieure risquent d'avoir un effet indésirable sur l'économie, notamment en raison du décalage avec lequel elles agissent. En outre, si de telles mesures ne sont pas conformes au Pacte, elles sont susceptibles de nuire à la crédibilité du processus d'assainissement budgétaire.

Je souhaiterais maintenant aborder l'introduction de l'euro fiduciaire. Alors que l'introduction des billets et des pièces en euros approche, on oublie parfois que l'Europe dispose d'une monnaie unique depuis le 1er janvier 1999. Je voudrais rappeler que la plupart des transactions en monnaie scripturale effectuées aujourd'hui dans la zone euro le sont en euros (à l'exception des paiements des particuliers). L'euro est présent sur l'ensemble des principaux marchés financiers dans le monde et des opérations de change en euros ont lieu depuis deux ans et demi. Quant aux actions, elles sont libellées en euros sur la plupart des marchés boursiers européens. La prochaine et ultime étape sera l'introduction des signes monétaires en euros, le 1er janvier 2002.

L'introduction des nouveaux billets et pièces en euros constitue l'aboutissement du processus de création de la monnaie unique. Avec le passage à l'euro fiduciaire, les bienfaits considérables de la monnaie unique deviendront tangibles pour les citoyens européens. Un avantage évident de la monnaie unique est de réduire les coûts d'information et de transaction dans la zone euro. La fonction d'instrument d'échange de la monnaie est mise en exergue par la réduction des coûts traditionnellement attachés aux transactions sur un marché. Plus généralement, la monnaie est une composante essentielle de toute économie de marché. Dans une économie complexe fondée sur les échanges, la monnaie permet de réaliser la coordination décentralisée des projets et des actions des agents économiques dans le temps et dans l'espace. La fonction de la monnaie en tant que moyen d'échange se renforce de façon significative lorsqu'on élargit la zone dans laquelle une seule monnaie a cours légal, notamment parce qu'elle élimine l'incertitude sur les taux de change à l'intérieur de cette zone monétaire.

L'introduction des nouveaux billets et pièces dans la zone euro, qui concerne quelque trois cents millions de citoyens, est un immense défi à bien des égards. Premièrement, le lancement des billets en euros nécessite, à une échéance précise, un approvisionnement initial d'environ 14,25 milliards de billets, ce qui représente à peu près 641 milliards d'euros. Deuxièmement, le secteur bancaire, les transporteurs de fonds, les commerçants et les exploitants de distributeurs automatiques ont, très tôt, été étroitement associés aux préparatifs. En effet, le passage sans heurts aux espèces en euros dans un laps de temps aussi court ne pourra se faire que grâce à une interaction systématique et coordonnée entre les principaux acteurs. Troisièmement, l'introduction réussie de l'euro fiduciaire sera précédée d'une campagne d'information ciblée destinée à préparer l'opinion publique européenne et les professionnels à la nouvelle monnaie. Le Président de la BCE a lancé cette campagne le 30 août 2001 en présentant au public les détails des nouveaux billets. Cette nouvelle monnaie, que nous aurons en poche d'ici une centaine de jours, est notre monnaie, une réalité tangible et un symbole de l'intégration européenne dans tous les sens du terme. Les billets en euros sont produits selon les normes de sécurité les plus élevées et combinent de nombreux signes de sécurité très efficaces, déjà utilisés dans les billets nationaux des États membres de la zone euro, avec d'autres signes spécifiques. Enfin, un ensemble de mesures, sur les plans juridique et de l'organisation, sont prises pour réussir l'introduction des nouveaux billets et pièces et assurer, à l'avenir, une circulation fiduciaire fluide. La production des billets en euros a commencé en juillet 1999 et concerne actuellement quinze imprimeries en Europe, dont celles de plusieurs banques centrales nationales.

Le rôle de la BCE est celui d'un organisme central qui coordonne, contrôle et supervise. Elle se concentre en particulier sur le respect des délais de production des billets en euros et sur les aspects liés à l'organisation du passage à l'euro fiduciaire. Je voudrais souligner que les programmes définis sont respectés pour la production comme pour la livraison des billets en euros. La préalimentation et la préalimentation subsidiaire en billets et pièces en euros ont d'ores et déjà commencé dans la plupart des pays et se déroulent parfaitement. La préalimentation consiste à approvisionner par avance en billets et pièces en euros les institutions financières qui sont les contreparties aux opérations de politique monétaire dans le cadre de l'Eurosystème. Ces institutions financières peuvent à leur tour, sous certaines conditions, opérer une préalimentation subsidiaire en billets et pièces en euros à l'intention de certains groupes de professionnels (commerçants, transporteurs de fonds, fabricants et exploitants d'automates). L'élément le plus important est de garantir que les billets en euros ne seront pas mis en circulation avant le 1er janvier 2002.

Je vous remercie de votre attention

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