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Document 52001AB0034

Avis de la Banque centrale européenne du 26 octobre 2001 sollicité par le Conseil de l'Union européenne sur une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les paiements transfrontaliers en euros (CON/2001/34)

OJ C 308, 1.11.2001, p. 17–19 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

52001AB0034

Avis de la Banque centrale européenne du 26 octobre 2001 sollicité par le Conseil de l'Union européenne sur une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les paiements transfrontaliers en euros (CON/2001/34)

Journal officiel n° C 308 du 01/11/2001 p. 0017 - 0019


Avis de la Banque centrale européenne

du 26 octobre 2001

sollicité par le Conseil de l'Union européenne sur une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les paiements transfrontaliers en euros

(CON/2001/34)

(2001/C 308/15)

1. Le 26 septembre 2001, la Banque centrale européenne (BCE) a reçu une demande de consultation de la part du Conseil de l'Union européenne portant sur une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les paiements transfrontaliers en euros (ci-après dénommé le "projet de règlement"). Son objectif principal est d'instaurer le principe selon lequel les frais facturés par un établissement pour les paiements transfrontaliers en euros seront identiques à ceux facturés par le même établissement pour des paiements nationaux de même montant.

2. La BCE a compétence pour émettre un avis en vertu de l'article 105, paragraphe 4, premier tiret, du traité instituant la Communauté européenne (ci-après dénommé le "traité"), et de l'article 3.1, l'article 4, point a), et l'article 5 des statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne, dans la mesure où le projet de règlement contient des dispositions relatives au bon fonctionnement des systèmes de paiement et à la collecte des statistiques de balance des paiements. Conformément à l'article 17.5, première phrase, du règlement intérieur de la Banque centrale européenne, le présent avis a été adopté par le conseil des gouverneurs de la BCE.

3. Le projet de règlement prévoit que les frais facturés par un établissement pour les paiements transfrontaliers en euros d'un montant maximal de 50000 euros sont les mêmes que les frais prélevés par cet établissement pour des paiements de même montant effectués à l'intérieur de l'État membre dans lequel il est établi. Il est prévu que le projet de règlement sera applicable à compter du 1er janvier 2002 aux opérations de paiement électronique transfrontalières, c'est-à-dire en principe aux paiements par carte et aux retraits d'argent liquide aux distributeurs automatiques, et à compter du 1er janvier 2003 aux virements transfrontaliers et aux chèques transfrontaliers. Le projet de règlement contient également des dispositions imposant aux établissements de fournir à leurs clients des informations préalables sur les frais, par souci de transparence. En outre, il contient des mesures facilitant le traitement de bout-en-bout automatisé des paiements transfrontaliers en imposant une obligation réciproque aux établissements et aux clients de se communiquer, sur demande, le numéro international de compte bancaire (IBAN) et le numéro d'identification de banque (BIC). Enfin, le projet de règlement établit un seuil de déclaration aux fins des statistiques de la balance des paiements de 12500 euros à compter du 1er janvier 2002 et le porte à 50000 euros à compter du 1er janvier 2004.

4. Le projet de règlement est fondé sur l'article 95, paragraphe 1, du traité, selon lequel le Conseil "arrête les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur". Quant au choix de la base juridique, la BCE serait favorable à ce que le Conseil évalue la compatibilité du projet de règlement avec le principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, énoncé à l'article 4, paragraphe 1, du traité, le droit de propriété et le principe de proportionnalité.

5. Les articles 1er à 3 du projet de règlement prévoient l'alignement des frais entre les paiements transfrontaliers et les paiements nationaux afin d'instaurer un espace de paiement unique pour l'euro. En ce sens, l'objectif du projet de règlement est pleinement conforme à la politique suivie par l'Eurosystème depuis la publication de son rapport de 1999 intitulé Improving cross-border retail payment services: the Eurosystem's view, c'est-à-dire la création d'un espace de paiement unique pour l'euro. À cet égard, la BCE partage le point de vue selon lequel la notion de "frontière" ne devrait pas en soi constituer un facteur justifiant des variations entre les paiements dans la zone euro. La BCE a toujours promu l'idée d'un espace de paiement intégré pour l'euro, dans lequel les différences de coût et de commodité entre les paiements nationaux et transfrontaliers diminueraient considérablement et finiraient par disparaître. De plus, conformément aux missions qui lui sont confiées par le traité, la BCE partage également le point de vue, énoncé dans l'exposé des motifs, selon lequel la création d'un espace de paiement unique pour l'euro est souhaitable pour renforcer la confiance du public dans la monnaie unique. La BCE demeure par conséquent fermement engagée à poursuivre l'objectif final consistant à instaurer un espace de paiement unique pleinement intégré pour l'euro. Cependant, tout en partageant l'objectif du projet de règlement, la BCE entend faire part de ses réserves à l'égard d'une réglementation influençant les prix des services, qui risque de perturber le fonctionnement de l'économie de marché. Tout en comprenant les considérations à l'origine du projet de règlement, la BCE préférerait aborder la question économique en accordant aux banques un délai plus long, encore que défini, pour ajuster leurs prix graduellement, en accord avec la baisse progressive de leurs coûts. En effet, la tarification proposée dans le projet de règlement ne réglera pas la fragmentation actuelle des circuits de paiement ni le traitement interbancaire onéreux des paiements transfrontaliers, qui font partie des raisons principales à l'origine des frais élevés. De ce point de vue, le projet de règlement ne considère que les conséquences des inefficacités sous-jacentes et pas leurs causes.

6. À cet égard, le commentaire général suivant aborde le moment de l'entrée en vigueur du projet de règlement. La BCE travaille de manière intensive avec le secteur bancaire depuis 1999 en tant que catalyseur du changement. Depuis lors, des progrès ont été accomplis et les obstacles qui ont été identifiés comme entravant les paiements transfrontaliers ont été supprimés. En conséquence et par suite de la mise en oeuvre de mesures, la BCE prévoit qu'une réduction importante des tarifs des paiements transfrontaliers devrait déjà intervenir à compter du 1er janvier 2002. Dans un deuxième temps, on devrait assister à la mise en place d'un espace de paiement unique pleinement intégré, nécessaire à une égalisation totale des prix sur un fondement solide du point de vue des coûts et de la production, dans un délai aussi bref que les circonstances le permettent et en tenant compte des ajustements structurels nécessaires. Pourtant, au moins concernant les virements, les banques ont besoin de plus de temps, par exemple jusqu'en 2005, pour mettre en place l'infrastructure et la logistique nécessaires pour permettre une égalisation économiquement viable des prix entre les virements nationaux et transfrontaliers. Il faut garder à l'esprit que, tandis que la consolidation de l'infrastructure des systèmes de paiement suivant l'introduction de l'euro a déjà eu lieu pour les systèmes de transferts de montants élevés, il n'existe pas encore d'infrastructure paneuropéenne pour les paiements de détail. La consolidation dans ce domaine devrait commencer après le passage final à l'euro.

7. En outre, la BCE estime que l'alignement prématuré des frais entre les paiements nationaux et transfrontaliers pourrait s'avérer contre-productif, entraînant des réactions de la part des établissements telles que la réduction de la fourniture de services de paiement transfrontalier ou l'augmentation des tarifs nationaux ou des tarifs facturés pour d'autres services. De surcroît, dans certains pays les virements nationaux sont gratuits ou de faible coût, tandis que dans d'autres les frais sont assez élevés. Le projet de règlement pourrait avoir pour conséquence indésirable de prolonger les disparités actuelles entre les pays et de laisser subsister les écarts de prix entre les paiements transfrontaliers dans les différents pays de zone euro.

8. De plus, la BCE remarque qu'à présent les États membres peuvent avoir des pratiques divergentes quand il s'agit de désigner qui se voit effectivement facturer les virements nationaux - l'émetteur, le bénéficiaire ou les deux. Par conséquent, la transposition de ces pratiques nationales aux paiements transfrontaliers entre pays ayant des pratiques différentes n'est pas simple. Il y a également un doute quant à la question de savoir si le projet de règlement laisse à l'émetteur et au destinataire la liberté de décider qui supporte le coût du virement. Qui plus est, il convient de considérer plus avant la relation entre le projet de règlement et la directive 97/5/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 janvier 1997 concernant les virements transfrontaliers(1). Plus généralement, une normalisation des pratiques en matière de charges pourrait s'avérer appropriée et devrait être étudiée.

9. La BCE convient que la création d'un espace de paiement unique pour l'euro nécessite une amélioration des procédures de retrait d'argent liquide, de paiement par carte et de virement. Toutefois, l'article 3 inclut également les chèques dans le champ d'application du projet de règlement. Tout en reconnaissant que les chèques jouent encore un rôle important dans quelques marchés nationaux, la BCE estime qu'il faut éviter toute mesure qui pourrait favoriser l'utilisation transfrontalière de cet instrument de paiement. Étant donné sa mission statutaire d'assurer le bon fonctionnement des systèmes de paiement, la BCE découragerait plutôt l'utilisation transfrontalière et nationale des chèques en faveur de moyens de paiement plus sûrs et efficaces, notamment parce que les chèques se présentent sur support papier et ne peuvent être traités aussi efficacement que les instruments de paiement électronique. De plus, l'inclusion des chèques dans le champ d'application du projet de règlement obligerait les banques à investir en infrastructure pour traiter les chèques transfrontaliers, alors qu'elles doivent en même temps investir énormément pour améliorer le traitement des virements transfrontaliers.

10. La BCE accueille favorablement l'initiative exposée à l'article 4 du projet de règlement consistant à promouvoir la transparence des frais facturés pour les paiements transfrontaliers et les paiements effectués à l'intérieur de l'État membre dans lequel un établissement est établi. Cette disposition favorisera la concurrence, contribuera à l'instauration d'un espace de paiement unique et accroîtra les avantages des consommateurs dans le marché intérieur.

11. L'article 5 du projet de règlement impose une obligation réciproque aux établissements et aux clients de se communiquer, sur demande, le numéro international de compte bancaire (IBAN) et le numéro d'identification de banque (BIC). La BCE a toujours promu le recours à des normes afin de faciliter la réalisation des paiements transfrontaliers. Elle a engagé des discussions et travaillé intensivement avec le secteur bancaire afin d'introduire des normes comme l'IBAN. La BCE partage donc l'objectif de l'article 5 du projet de règlement qui consiste à accélérer et à faciliter la mise en oeuvre de normes définies. Cependant, la BCE suggère de prévoir une flexibilité suffisante pour les développements futurs de normes techniques afin d'assurer l'efficacité des systèmes de paiement à long terme. Enfin, il est noté que le projet de règlement n'accorde pas de délai aux établissements et à leurs clients pour se conformer aux articles 4 et 5. Le Conseil pourrait juger opportun de considérer la question de savoir si cela est réalisable en pratique.

12. En vertu de l'article 6, paragraphe 1, du projet de règlement, les États membres suppriment, le 1er janvier 2002 au plus tard, toute obligation de déclaration nationale, aux fins des statistiques de la balance des paiements, relative aux paiements transfrontaliers d'un montant maximal de 12500 euros. Le seuil est porté à 50000 euros à compter du 1er janvier 2004. Le comité des statistiques monétaires, financières et de balance des paiements (CMFB) a convenu en juin 2000 d'un seuil d'exemption commun de 12500 euros, à compter du 1er janvier 2002, pour les États membres qui utilisent un système de déclaration fondé sur les règlements, mis en oeuvre par les banques au nom de leurs clients. Ce montant a été choisi afin de soustraire presque toutes les opérations de détail transfrontalières et environ deux tiers de toutes les opérations aux obligations de déclaration en matière de statistique de balance des paiements. Avec le seuil de 12500 euros, les paiements transfrontaliers des consommateurs sont en pratique exemptés de toute charge de déclaration. La BCE est d'avis qu'un relèvement prématuré du seuil, qui le t à 50000 euros, n'augmenterait pas considérablement la proportion des opérations transfrontalières exemptées mais aurait une incidence grave sur la qualité des statistiques en raison de la perte d'informations concernant certains postes de la balance des paiements, à savoir principalement les services, les revenus et les transferts. Il est indispensable de disposer de données exactes en matière de balance des paiements pour permettre le processus décisionnel. En outre, une détérioration des données nationales en matière de balance des paiements diminuerait la qualité des agrégats de comptes nationaux, notamment le produit intérieur brut et le revenu national brut. Une réforme radicale des systèmes de collecte des données dans certains États membres afin de maintenir la qualité des données prendrait du temps et alourdirait probablement directement la charge de déclaration pesant sur les petites et moyennes entreprises en particulier. Un système comportant deux seuils distincts, pour les paiements à l'intérieur et à l'extérieur de l'Union européenne - une démarche qui pourrait limiter l'effet sur les statistiques de balance des paiements de la zone euro dans son ensemble - pourrait s'avérer lourd et augmenter les frais de déclaration des banques. C'est pourquoi la BCE recommande vivement de différer l'augmentation du seuil, qui le porterait à 50000 euros, jusqu'en 2006, afin de laisser suffisamment de temps pour le développement d'autres sources. Le projet de règlement devrait également clarifier le fait que le seuil est applicable à la déclaration par les banques des paiements transfrontaliers engagés par leurs clients et est sans préjudice de l'obligation de remplir les obligations en matière statistique prévues par le règlement relatif au SEC 95. La BCE suggère encore de reporter jusqu'en 2004 la suppression des obligations concernant le minimum d'informations à fournir sur le bénéficiaire qui empêche d'automatiser l'exécution des paiements, prévue à l'article 6, paragraphe 2, du projet de règlement, car cela pourrait notamment entraîner la consultation de diverses parties au niveau national.

13. Pour ce qui concerne l'application du projet de règlement dans les trois pays ne participant pas à l'union économique et monétaire, il semble nécessaire d'apporter des clarifications supplémentaires. Étant donné que l'euro demeurera une devise dans ces pays, il pourrait s'avérer difficile de déterminer la référence adéquate à un paiement national de même montant, c'est-à-dire, par exemple, la question de savoir si l'élément de comparaison est soit un transfert dans la monnaie nationale soit un transfert en euro au sein du même pays non participant. De même, la question de savoir quels seront les frais de référence pour un retrait d'argent liquide dans l'un de ces pays reste à clarifier.

14. Le présent avis est publié au Journal officiel des Communautés européennes.

Fait à Francfort-sur-le-Main, le 26 octobre 2001.

Le président de la BCE

Willem F. Duisenberg

(1) JO L 43 du 14.2.1997, p. 25.

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