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L’interaction entre la politique monétaire et la stabilité financière dans la zone euro

Intervention de M. Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, à la première conférence sur la stabilité financière organisée par le Banco de España et le Centro de Estudios Monetarios y Financieros, Madrid, le 24 mai 2017

Introduction

La stabilité des prix et la stabilité financière sont, par nature, étroitement liées. Elles tendent à se renforcer mutuellement et, à long terme, chacune constitue une condition nécessaire, bien qu’insuffisante, pour l’autre. La crise a montré que les périodes d’amplification des turbulences financières peuvent nuire au mécanisme de transmission de la politique monétaire. De même, par le passé, les périodes de déflation ou d’hyperinflation, autrement dit de manque de stabilité des prix, ont également été accompagnées de phases d’instabilité financière.

Au cours de la crise, ces interactions ont pu être observées dans la zone euro. Les effets conjugués de la crise financière et de la crise de la dette souveraine ont donné lieu à une période prolongée de croissance et d’inflation faibles. Cette sévère récession a, quant à elle, concouru aux épisodes de turbulences financières. La situation était telle que, en 2014, non seulement la stabilité des prix mais aussi la stabilité financière sont devenues très incertaines dans la zone euro. La réponse de politique monétaire qui a suivi a consisté à engager des actions décisives dans ces deux domaines.

La Banque centrale européenne (BCE) a pris une série de mesures non conventionnelles afin d’améliorer la transmission de la politique monétaire et de garantir l’exercice de son mandat. D’importants changements ont également été apportés au dispositif de sauvegarde de la stabilité financière au sein de la zone euro. Ensemble, ces actions ont aidé à stimuler et à soutenir la reprise économique tout en limitant les éventuels effets secondaires des politiques non conventionnelles. Une période prolongée de taux d’intérêt faibles s’est ensuivie, pendant laquelle la stabilité financière n’a pas été troublée par des effets indésirables significatifs.

Les réponses de politique monétaire à la crise

Dans la zone euro, la crise s’est caractérisée dans une large mesure par des interactions entre l’économie financière et l’économie réelle. Au début de la crise, nous avons assisté à une grave perturbation de la transmission de la politique monétaire dans certaines régions de la zone euro lorsque le marché interbancaire s’est fragmenté selon les frontières nationales. Plus tard, alors que l’économie se détériorait, de nombreux secteurs bancaires nationaux ont enregistré une nette augmentation des prêts non performants et, dans certains d’entre eux, la situation macroéconomique les a fortement incités à se désendetter par une réduction des prêts octroyés.

La BCE a pris plusieurs mesures visant à remédier à la fragmentation financière dans la zone euro. Mais, début 2014, l’économie réelle a pâti d’un asséchement du crédit bancaire, dont le rythme annuel avait fléchi de 1,7 % au premier trimestre. La zone euro était entrée dans un cercle vicieux : au fur et à mesure que le crédit se resserrait, l’état de l’économie s’aggravait et la perception des risques s’accentuait, provoquant une contraction plus vive encore du crédit. À l’époque, les perspectives économiques étaient assombries par le risque d’une nouvelle récession, voire d’une déflation. La combinaison de ces deux phénomènes aurait probablement eu des répercussions plus graves encore sur la stabilité financière.

Aussi, au cours de l’année 2014 et par la suite, la BCE a continué d’agir résolument afin de contrecarrer ces forces et de respecter son mandat de maintien de la stabilité des prix. Nous avons lancé plusieurs mesures non conventionnelles telles que les taux négatifs de la facilité de dépôt, les opérations ciblées de refinancement à plus long terme (targeted longer-term refinancing operations, TLTRO) et le programme étendu d’achats d’actifs. S’inscrivant dans le cadre du « train de mesures d’assouplissement du crédit », elles visaient à lutter contre l’altération du mécanisme de transmission causée par le désendettement des banques et, par conséquent, à assurer une transmission uniforme de nos décisions de politique monétaire à travers l’ensemble des pays de la zone euro et le long de la courbe des rendements.

Or, parallèlement à la mise en œuvre de ces mesures, deux changements réglementaires notables ayant une profonde incidence sur la stabilité financière ont eu lieu. Fort d’une meilleure capacité de résistance, le système financier a rendu la politique monétaire plus à même d’atteindre son objectif de stabilité des prix.

Tout d’abord, en 2014, le règlement relatif au Mécanisme de surveillance unique (MSU) est entré en vigueur, conférant à la BCE la responsabilité de la surveillance directe des établissements de crédit importants de la zone euro. L’instauration du MSU a contribué à établir un système financier doté d’une meilleure capacité de résistance qu’en 2014 et présentant des ratios de fonds propres plus élevés ainsi qu’un endettement moindre. De fait, l’une des premières actions menées par la supervision bancaire européenne a été de réaliser un « examen de santé », autrement dit une évaluation complète, des bilans des banques. La simple annonce de cette évaluation a incité les banques à anticiper leur désendettement et à consolider leurs bilans à hauteur de plus de 200 milliards d’euros.

Le deuxième changement réglementaire important introduit par le règlement MSU a été d’attribuer des pouvoirs et des responsabilités macroprudentiels à la BCE. La responsabilité des mesures macroprudentielles est désormais partagée entre les autorités nationales, qui ont le pouvoir de les mettre en œuvre, et la BCE, dont le mandat lui permet de durcir les mesures énoncées dans les textes juridiques de l’Union européenne (à savoir la directive sur l’adéquation des fonds propres (Capital Requirements Directive IV, CRD IV) et le règlement sur les exigences de fonds propres (Capital Requirements Regulation, CRR)).

La BCE est donc en mesure de lutter contre la propension à l’inaction si les autorités nationales ne prennent pas rapidement les dispositions adéquates pour mettre en œuvre les mesures macroprudentielles. Elle peut conduire des analyses des effets transfrontaliers et, de la sorte, contribuer, à éviter toute forme d’arbitrage et de contagion transfrontaliers via les grandes banques interconnectées. Par ailleurs, elle peut promouvoir une base commune servant à la réalisation d’analyses, au partage d’informations et à l’adoption de bonnes pratiques, favorisant ainsi la cohérence et la coordination des politiques macroprudentielles à travers la zone MSU[1].

Le nouveau cadre réglementaire sert de support à la mise en œuvre de notre politique monétaire et permet d’accroître la capacité de résistance du système financier. Le cycle financier et le cycle économique peuvent être désynchronisés, ce qui signifie que des déséquilibres financiers sont susceptibles de se faire jour dans un environnement caractérisé par une inflation relativement modérée. Dans un tel contexte, recourir à la politique monétaire pour combattre ces déséquilibres peut s’avérer peu opportun, car elle risque d’entraîner des écarts substantiels entre la production et l’inflation globales et les niveaux souhaitables correspondants. En pareil cas, une politique macroprudentielle ciblant les déséquilibres financiers peut compléter l’objectif de long terme de la politique monétaire[2].

Les mesures non conventionnelles de politique monétaire et les améliorations apportées à l'architecture réglementaire ont placé le système bancaire de la zone euro dans une meilleure position pour transmettre l’impulsion donnée au crédit par la BCE aux entreprises et aux ménages à travers l'union monétaire et pour garantir un financement suffisant pour soutenir la reprise, et c’est effectivement cela que nous avons pu constater. Au premier trimestre 2017, la progression annuelle des prêts aux ménages de la zone euro s’est établie à 2,6 % et celle des prêts aux sociétés non financières à 1,6 %, après des plus bas respectifs de -0,6 % au second trimestre 2014 et de -3,6 % au troisième trimestre 2013. Les taux pratiqués par les banques sur les prêts accordés aux entreprises et aux ménages ont chuté d’environ 110 points de base au cours des trois dernières années et se situent aujourd’hui à des niveaux historiquement bas. 

Aujourd’hui, nous assistons par conséquent à un redressement toujours plus vigoureux de la zone euro, prise dans un cercle vertueux entraînant l’emploi et la consommation, même si les tensions inflationnistes sous-jacentes demeurent faibles. La convergence des conditions du crédit entre les pays a également contribué à une généralisation de cette phase de reprise dans les différents secteurs et pays. La croissance du PIB de la zone euro s’élève actuellement à 1,7 % et devrait, selon certaines enquêtes, rester soutenue dans les prochains trimestres[3].

Les défis pour la stabilité financière dans le contexte actuel

Alors que la reprise économique se poursuit à un rythme soutenu, le ton du débat mené en Europe sur la stabilité financière a changé. Certains ont fait part de leurs préoccupations quant aux effets indésirables que les mesures de politique monétaire ont sur la stabilité financière. Il s’agit là d’un thème récurrent tant pour les universitaires que pour les banquiers centraux : la politique monétaire comporte toujours des effets secondaires. Mais l’opinion est, pour sa part, davantage sensibilisée à la question depuis que les banques centrales recourent à des mesures non conventionnelles de politique monétaire.

Bien entendu, les mesures de politique monétaire prises ces dernières années peuvent avoir des effets secondaires positifs sur la stabilité financière. Le bas niveau des taux d’intérêt sur l’ensemble de la courbe réduit les coûts du service de la dette des ménages et des entreprises. En outre, en soutenant la reprise et la baisse du chômage qui en résulte, la politique monétaire conforte les revenus des ménages et des entreprises, ce qui diminue la probabilité de défaillance et, dès lors, renforce la rentabilité des banques[4]. Celles-ci bénéficient également de plus-values sur leurs portefeuilles d’actifs et d’une réduction à court terme de leurs coûts de financement globaux. Enfin, les banques ayant accès au financement de l’Eurosystème par l’intermédiaire de la deuxième série d’opérations de refinancement à plus long terme ciblées (targeted longer-term refinancing operations, TLTRO-II) peuvent emprunter de la liquidité à des taux aussi bas que celui de la facilité de dépôt, à condition qu’elles affichent une bonne performance en matière d’octroi de prêts.

Toutefois, dans le contexte actuel, il semble également nécessaire de prêter une attention particulière aux effets exercés sur les trois aspects suivants : la prise de risque en matière de prêts bancaires, la rentabilité des banques et les investisseurs institutionnels.

Par le biais du « canal de la prise de risque » de la transmission de la politique monétaire, les modifications des taux directeurs peuvent influer sur la propension des banques à supporter des risques[5]. En particulier, la faiblesse des taux d’intérêt peut entraîner une quête de rendements accrus, encourageant les banques à assouplir leurs critères d’octroi de crédit, ce qui accroît non seulement le volume mais aussi le niveau de risque moyen des prêts accordés[6]. Une croissance excessive du crédit et une trop grande prise de risque supplémentaire pourraient engendrer une accumulation des déséquilibres et compromettre la stabilité du système financier.

Le développement des « bulles alimentées par le crédit », qui, par le passé, se sont révélées très néfastes pour la stabilité financière, est particulièrement préoccupant[7]. Ces bulles, qui touchent généralement les marchés immobiliers, se caractérisent par une spirale négative entre le prix des actifs et la croissance du crédit. La croissance positive de la valeur de marché des biens immobiliers favorise la croissance du crédit, ce qui contribue, dans le même temps, à gonfler la valeur de ces biens. Lorsque la bulle qui en résulte éclate, la garantie sous-jacente des prêts perd de sa valeur, ce qui nuit à la capacité de prêt et d’emprunt des créanciers et des emprunteurs.

Le deuxième défi lié au contexte actuel tient au fait qu’une réduction de l’écart entre les taux à court et à long termes peut réduire les marges nettes d’intérêt des banques et, par conséquent, exercer une pression sur leur rentabilité. Les banques transformant les échéances en empruntant à court terme et prêtant à long terme, la pente de la courbe des rendements mais aussi son niveau sont importants pour leur rentabilité. Il peut s’ensuivre une réduction de leur accumulation de capital par le biais des bénéfices non distribués, ce qui les fragilise davantage.

Enfin, la période prolongée de faibles taux d’intérêt exerce également une pression sur la rentabilité des établissements financiers qui offrent des garanties de rendement à long terme, tels que les sociétés d’assurance-vie ou les fonds de pension. Afin d’atteindre leurs objectifs ambitieux de rendement, ces établissements peuvent être enclins à se lancer dans une quête de rendement et prendre des risques excessifs.

Le suivi des évolutions de la stabilité financière

Nous estimons actuellement que l’émergence des déséquilibres n’est pas généralisée mais qu’il reste des zones localisées qui appellent au maintien d’un suivi étroit et à la vigilance.

Conformément à notre cadre institutionnel, la politique macroprudentielle s’est attachée, comme il se doit, à limiter l’accumulation des risques dans ces zones. S’agissant du secteur bancaire, les autorités ont engagé des mesures pour identifier les établissements financiers d’importance systémique mondiale et nationale, les obligeant à détenir des coussins de fonds propres supplémentaires. Par ailleurs, elles ont pris des décisions pour calibrer le risque systémique et les coussins de fonds propres contracycliques et fixer des exigences de fonds propres spécifiques au secteur de l’immobilier et du logement.

En ce qui concerne la prise de risques par les banques, rien ne donne à penser que des bulles alimentées par le crédit se développent à grande échelle. Au quatrième trimestre 2016, les prêts au logement accordés par les banques de la zone euro ont augmenté d’environ 2,7 % par an, soit bien en-deçà des taux enregistrés durant la période précédant la crise et qui avaient atteint jusqu’à 12 % par an. Ce même trimestre, les prix nominaux de l’immobilier résidentiel ont progressé de 3,8 % par an dans la zone euro. Malgré une accélération de la dynamique des prix de l’immobilier résidentiel, les estimations de valorisation n’indiquent aucun signe de déséquilibres sur ces marchés au sein de la zone euro dans son ensemble[8].

Néanmoins, il existe une grande hétérogénéité à travers la zone euro et nous suivons de près les pays dans lesquels le développement de l’immobilier est plus marqué. Nous surveillons également avec attention les évolutions des marchés de l’immobilier commercial, notamment lorsque les prix, sur le segment « prime », s’écartent de leurs moyennes à long terme[9]. Il est aussi intéressant de noter que le secteur de l’immobilier est un domaine dans lequel les autorités macroprudentielles nationales sont déjà assez actives, de nombreux pays de la zone euro ayant introduit des mesures prudentielles, telles que le plafonnement des ratios de financement, en vue de lutter contre les risques émergents[10].

Par ailleurs, peu de signes indiquent que les banques prennent globalement des risques excessifs dans le cadre leur activité de prêts. Selon l’enquête de la BCE sur la distribution du crédit bancaire dans la zone euro, les banques ont incontestablement diminué en moyenne leurs taux d’intérêt débiteurs et assoupli leurs critères d’octroi de crédit dans le sillage de nos mesures de politique monétaire. L’accès des petites et moyennes entreprises aux prêts bancaires s’améliore depuis octobre 2014[11]. Il est toutefois intéressant de se pencher davantage sur les facteurs à l’origine des modifications des critères d’octroi de crédit. Des « perceptions de risques » accrues et une faible « tolérance au risque » ont contribué à un net durcissement des critères d’octroi dans les années qui ont suivi la crise. Mais, si la « perception des risques » par les banques est moins prononcée depuis 2014, en phase avec les conditions économiques générales et le redressement global des flux de crédits bancaires, leur « tolérance au risque » reste limitée et s’est même quelque peu étiolée depuis 2015.

Cette évolution tend à indiquer que les banques demeurent prudentes en matière d’octroi de crédits. De fait, les banques de la zone euro sont globalement moins susceptibles d’accorder des prêts qu’elles ne l’étaient en moyenne depuis 2003[12]. Ce constat est corroboré par la composition des bilans des banques, dans lesquels nous observons un recul généralisé des probabilités de défaut par catégorie d’exposition et une réorientation, ces dernières années, vers des expositions moins risquées[13].

La supervision microprudentielle a un rôle important à jouer dans ce contexte. En vertu du règlement MSU, la BCE est responsable, depuis 2014, de la supervision des établissements de crédit importants de la zone euro, ce qui permet une approche plus harmonisée de la supervision. La supervision microprudentielle peut atténuer la prise de risques excessifs en appliquant des mesures spécifiques aux établissements qui investissent particulièrement dans les actifs risqués. Les risques pris par chaque établissement font l’objet d’une évaluation régulière dans le cadre du processus de surveillance et d’évaluation prudentielle (Supervisory Review and Evaluation Process, SREP). Sur la base des résultats de cette analyse approfondie, les autorités de surveillance peuvent établir des exigences supplémentaires en matière de fonds propres ou de liquidité ou adopter d’autres mesures en fonction des faiblesses spécifiques des banques.

Que peut-on dire de la rentabilité globale du secteur bancaire ? Le rendement des fonds propres (return on equity, RoE), une mesure de la rentabilité fréquemment utilisée, est incontestablement plus faible aujourd’hui qu’il ne l’était avant la crise. En 2016, la rentabilité financière agrégée s’élevait à 5 %, contre près de 20 % en 2006. Une telle comparaison peut toutefois être trompeuse pour deux raisons. D’une part, les ratios de fonds propres, notamment les fonds propres de base, sont plus élevés et l’endettement global est plus faible qu’avant la crise. Une hausse de l’effet de levier peut embellir la rentabilité mesurée mais, comme nous l’avons observé au cours de la crise, elle comporte un risque accru d’instabilité financière. En procédant à l’assainissement de leurs bilans après la crise, les banques ont réduit leur effet de levier, ce qui explique le recul de leur rentabilité financière par rapport aux années antérieures à la crise. Ce recul doit cependant être relativisé et constitue l’un des éléments de la transition vers une « nouvelle situation normale » plus soutenable.

D’autre part, que serait la rentabilité des banques si nous n’avions pas adopté toutes ces mesures ? Comme je l’ai déjà souligné, la perspective, en 2014, d’un retour à la récession et du risque de déflation a elle-même constitué un risque pour la stabilité financière. D’après les études menées par la BCE, qui tiennent compte des effets de l’amélioration des conditions macroéconomiques et des prix des actifs résultant de notre politique monétaire, l’incidence globale de nos mesures sur la rentabilité des banques a été positive[14].

Je voudrais aussi souligner qu’une grande partie du secteur financier pourrait encore largement accroître sa rentabilité en s’appliquant davantage à améliorer son efficacité opérationnelle par la réduction de ses coûts internes. L’efficience des banques de la zone euro ne s’est pas améliorée depuis 2010 et, selon les méthodes de mesure standard, ne soutient pas la comparaison avec nombre de leurs homologues étrangères[15].

Enfin, qu’en est-il des effets sur les investisseurs institutionnels ? Dans le numéro de la Financial Stability Review que nous avons publié ce jour, il est indiqué que certains investisseurs institutionnels, notamment les sociétés d’assurance, les fonds de pension et les organismes de placement collectif, ont procédé, au cours des dernières années, à des arbitrages de portefeuille au profit de titres de créances moins bien notés[16]. Il convient de suivre attentivement ces évolutions. Pour atténuer leurs risques, ces établissements devront peut-être adapter leurs modèles d’activité, en continuant par exemple à réduire leur recours aux produits à rendement garanti[17].

Conclusion

Je voudrais à présent conclure mon propos.

L’environnement macroéconomique s’améliore. Les mesures de politique monétaire mises en place au cours des dernières années se sont révélées efficaces pour soutenir une reprise économique solide et toujours plus généralisée à travers les pays et les secteurs. Cette reprise contribue, pour sa part, à améliorer la capacité de résistance du secteur financier.

L’ampleur et la durée de nos mesures de politique monétaire sont nécessaires pour remplir notre objectif, qui consiste à maintenir la stabilité des prix. Nous avons pu adopter cette politique dans la mesure où le système financier présente une plus grande capacité de résistance que par le passé. Nous disposons aujourd’hui d’un cadre macroprudentiel approprié – et actif – afin de pallier les possibles effets secondaires négatifs. Dans un contexte où les banques sont plus solides et la supervision plus rigoureuse, ce cadre nous a permis de traverser une période prolongée de bas taux d’intérêt, qui n’a pas été marquée par une accumulation des risques pour la stabilité financière. Il n’en reste pas moins que nous restons vigilants.

Lorsque nous avons introduit des instruments de politique monétaire non conventionnels afin de garantir un retour de l’inflation vers notre objectif, nous savions qu’ils étaient susceptibles d’engendrer des effets secondaires légèrement plus prononcés que les mesures conventionnelles. Ces effets secondaires sont restés limités mais nous en tenons compte dans la formulation de notre politique, dans le sens où nous essayons de les réduire au minimum, sans nuire à notre capacité à atteindre notre objectif.

Cela ressort également de la logique qui sous-tend nos indications sur le retrait progressif de nos mesures de relance monétaire. En effet, comme je l’ai dit lors de la conférence intitulée « The ECB and its watchers »[18], dans une union monétaire de plusieurs pays telle que la zone euro, composée de marchés financiers nationaux segmentés, les achats d’actifs sont inévitablement plus difficiles à calibrer, plus complexes à mettre en œuvre et plus susceptibles d’entraîner des effets secondaires que les autres instruments, y compris les taux d’intérêt légèrement négatifs. Les taux négatifs peuvent aussi avoir des effets secondaires indus mais ces derniers sont demeurés limités jusqu’à présent. Ainsi, d’après notre évaluation actuelle des effets secondaires, il n’y a pas lieu de s’écarter des indications que nous donnons régulièrement dans la déclaration introductive à nos conférences de presse.

Plus généralement, les actions de politique monétaire que nous menons dans l’exercice de notre mandat tireront profit de l’achèvement de l’union bancaire, à travers la création d’un système européen de garantie des dépôts, le troisième pilier de cette union, et d’un dispositif commun pour le fonds de résolution unique.

En outre, à mesure que nous évoluons vers une union des marchés des capitaux, qui devrait accroître l’importance du financement de marché dans la zone euro, les autorités européennes et nationales concernées devraient être dotées des outils nécessaires pour répondre aux risques découlant de l’intermédiation financière non bancaire [19].

  1. [1] Cf., par exemple, Banque centrale européenne (2016), Macroprudential Bulletin, numéro 1/2016, chapitre 1er : « Topical issue: The ECB’s macroprudential policy framework ».

  2. [2] Cf., par exemple, Hanson (S.), Kashyap (A.), et Stein (J.), (2011), « A macroprudential approach to financial regulation », Journal of Economic Perspectives, vol. 25, n° 1 : p. 3-28.

  3. [3] Cf. Draghi, M., « Monetary policy and the economic recovery in the euro area », discours prononcé lors de la conférence intitulée The ECB and Its Watchers XVIII, Francfort-sur-le-Main, le 6 avril 2017.

  4. [4] Cf., par exemple, Cœuré, B., « Assessing the implications of negative interest rates », discours prononcé au Yale Financial Crisis Forum, Yale School of Management, New Haven, 28 juillet 2016.

  5. [5] Cf. Borio, C.) et Zhu, H. (2012), « Capital regulation, risk-taking and monetary policy: A missing link in the transmission mechanism? », Journal of Financial Stability, 8(4): p. 236-251.

  6. [6] Pour des données empiriques, cf., par exemple, Jiménez, G., Ongena, S., Peydró, J.-L., et Saurina, J., (2014), « Hazardous times for monetary policy: What do twenty-three million loans say about the effects of monetary policy on credit risk-taking?», Econometrica, 82(2), 463-505 ; Maddaloni, A., et Peydró, J.-L., (2011), « Bank risk-taking, securitisation, supervision and low interest rates: Evidence from US and euro area lending standards », Review of Financial Studies, 24(6), 2121-2165.

  7. [7] Cf., par exemple, Reinhart, C., et Rogoff, K., (2009), « This time is different », Princeton University Press, ou Schularick, M. et A. Taylor (2012), « Credit booms gone bust: Monetary policy, leverage cycles, and financial crises, 1870-2008 », American Economic Review 102(2): 1029-61.

  8. [8] Cf. Banque centrale européenne, « Financial Stability Review », mai 2017.

  9. [9] Cf. Banque centrale européenne, « Financial Stability Review », mai 2017.

  10. [10] Cf., par exemple, Constâncio, V., « Macroprudential policy in a changing financial system », discours prononcé lors de la deuxième Macroprudential Policy and Research Conference, Francfort-sur-le-Main, 11 mai 2017.

  11. [11] Cf. Banque centrale européenne, Enquête sur l’accès des PME au financement dans la zone euro– avril - septembre 2016, novembre 2016.

  12. [12] Cf. Banque centrale européenne, « Enquête sur la distribution du crédit bancaire dans la zone euro, premier trimestre2017 », avril 2017.

  13. [13] Cf. Banque centrale européenne, « Financial Stability Review », mai 2017.

  14. [14] Cf. Rostagno, M., Bindseil, U., Kamps, A., Lemke, W., Sugo, T. et T. Vlassopoulos, « Breaking through the zero line: The ECB’s negative interest rate policy », Brookings Institution, Washington DC, 6 juin 2016. La présentation est disponible sur le site Internet de la Brookings Institution.

  15. [15] Banque centrale européenne, Financial Stability Review, mai 2017, chapitre 3.

  16. [16] Banque centrale européenne, Financial Stability Review, mai 2017, chapitre 3.

  17. [17] Cf. le rapport final du groupe de travail conjoint du comité technique consultatif du CERS, du comité scientifique consultatif du CERS et du comité de stabilité financière du SEBC intitulé « Macroprudential policy issues arising from low interest rates and structural changes in the EU financial system », novembre 2016.

  18. [18] Draghi, M. (2017), op.cit.

  19. [19] Cf. Banque centrale européenne, « ECB contribution to the European Commission’s consultation on the review of the EU macroprudential policy framework », document publié le 12 décembre 2016.

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