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Entretien avec Les Echos

Entretien de Peter Praet, membre du directoire de la BCE,
accordé à Catherine Chatignoux et Isabelle Couet le 25 septembre et publié le 29 septembre 2017

Q/ Les élections allemandes sont passées. Est-ce que le résultat obère les chances de mener la réforme de la zone euro selon vous ?

Pour nous, l’important, au-delà des calendriers politiques des Etats, c’est la stabilité de la monnaie et des prix. Ce qui compte aujourd’hui, c’est que soient menées à bien les réformes institutionnelles qui rendront la zone euro plus solide après cette décennie de crises. La crise de la dette souveraine en 2010-2012 a révélé les faiblesses de la zone euro, en particulier l’absence de supervision bancaire unique et d’un mécanisme de gestion collective des crises.

Q/ En matière de gouvernance européenne, quelle est l’urgence ?

La priorité est de finaliser l’union bancaire, c’est-à-dire de vraiment couper le lien entre les banques et leur Etat. On peut se féliciter que les établissements financiers aient réduit leur exposition à la dette publique de leur pays depuis la crise, mais les banques restent encore trop exposées à leur économie nationale. L’union bancaire ressemble encore trop aujourd’hui à une collection de systèmes bancaires nationaux. La zone euro s’est dotée d’une supervision unique du secteur bancaire et a mis en place les bases d’un mécanisme de résolution unique pour les banques en difficulté. En cas d’intervention publique, la responsabilité finale reste cependant encore trop du domaine national. Il est important pour la stabilité de l’Union économique et monétaire de mettre en place sans tarder un véritable fonds de résolution unique au niveau européen.

Q/ Comment y parvenir concrètement ?

L’objectif d’une union bancaire est que les banques puissent gérer leur bilan comme une seule entité, quelles que soient leurs implantations dans la zone euro. L’union bancaire restera incomplète tant que chaque filiale bancaire dans un pays sera tenue de remplir toutes les conditions de fonds propres et de liquidité. Pour y arriver, la stratégie combine la réduction des risques bancaires, notamment par un renforcement des exigences réglementaires, avec la montée en puissance du fonds de résolution unique. Malheureusement, un calendrier contraignant qui impliquerait une recomposition fondamentale du paysage bancaire européen suscite des réticences. Pourtant, c’est indispensable pour assurer la stabilité du système bancaire européen et la bonne transmission des décisions de politique monétaire de la BCE.

Q/ Etes-vous par ailleurs partisan de la création d’un Fonds monétaire européen ?

Oui, c’est l’autre grande priorité pour la zone euro. L’idée est de mieux gérer et prévenir les crises. Comme pour le Mécanisme européen de stabilité, le rôle d’un tel « FME », ou plutôt de ce Fonds de stabilisation européen, consisterait à prêter de l’argent à des Etats sous certaines conditions. Toute la question est de savoir qui décide, quel rôle jouera la Commission européenne, quelles sont la gouvernance et la puissance de feu.

Q/ Il faut aussi savoir si l’on veut que l’aide accordée à un pays soit conditionnée à une restructuration de sa dette, comme le veulent les Sages allemands…

En général, la conditionnalité n’implique pas une restructuration de la dette publique, qui est vraiment une solution de dernier recours. C’est un sujet à traiter avec grande prudence. Rappelons-nous la réaction des marchés en 2010 quand, à Deauville, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont parlé de mettre les investisseurs à contribution lorsqu’un Etat est en grande difficulté.

Q/ Parmi les idées qui circulent actuellement, il y aussi celle d’un budget de la zone euro…

La question est de savoir quelle fonction assigner à un budget de la zone euro. A titre personnel, je pense que la fonction de stabilisation pour un pays confronté à un choc économique est séduisante du point de vue de la théorie économique, mais cela me laisse sceptique au niveau politique. La crainte est que les transferts se fassent toujours dans le même sens et que les contribuables des pays qui apportent un soutien ne suivent pas. En revanche, un budget commun peut permettre de financer plus efficacement des biens collectifs, comme par exemple la sécurité et la défense. Dans la zone euro, un des problèmes urgent à régler est l’insuffisance de la convergence réelle des économies. Un marché du travail trop rigide dans certains pays peut par exemple avoir une incidence négative sur le bon fonctionnement de l’union monétaire. Même si c’est la responsabilité des pays de mener les réformes structurelles nécessaires, des mécanismes incitatifs au niveau de la zone euro méritent réflexion, à cause de ces effets externes.

Q/ Les réformes Macron vont-elles dans le bon sens ?

Je dirais oui, ces réformes sont très encourageantes. On n’est plus dans la politique des petits pas, cette fois la barre a été placée très haut. L’enjeu maintenant est que les réformes soient mises en œuvre et qu’elles soient soutenues par l’opinion publique. On peut aussi saluer le courage de mener des réformes alors que la reprise est là et que les efforts n’apparaissent plus forcément indispensables.

Q/ Est-ce que vous diriez qu’aujourd’hui l’euro est trop faible pour l’Allemagne mais trop fort pour la France, l’Italie et d’autres ?

On a connu avant la crise de fortes divergences dans l’évolution des coûts salariaux et de la compétitivité, en Grèce notamment. Ces divergences persistantes ont créé des tensions graves dans la zone euro. Au sein d’une union monétaire, les ajustements de déséquilibres macroéconomiques ne passent pas par le taux de change. C’est la raison pour laquelle un bon fonctionnement du marché du travail et du marché des biens et services est essentiel.

Q/ La BRI s’inquiète des risques engendrés par les politiques monétaires trop accommodantes. Que répondez-vous ?

Notre objectif principal est d’assurer la stabilité des prix. La crise financière a généré des risques déflationnistes. Nos mesures de politique monétaire ont joué un rôle primordial dans la reprise économique, condition nécessaire à un retour progressif de l’inflation vers des niveaux conformes à notre objectif. La question est de savoir si la banque centrale est allée trop loin dans l’assouplissement de sa politique monétaire. Maintenant que l’écart entre potentiel de croissance et activité réelle se résorbe, notre mission est-elle accomplie ? A ce stade, ma réponse est non. L’expansion économique en cours ne se traduit pas encore suffisamment par une dynamique d’inflation plus forte. Nous ne changeons pas nos priorités, mais nous devons tenir compte de l’amélioration des conditions économiques pour calibrer nos mesures.

Q/ Faut-il annoncer une date de fin pour le QE ?

Aucune nouvelle décision n’a été prise depuis la réunion du Conseil des gouverneurs du 7 septembre. Nous avions conclu qu’une orientation très accommodante de la politique monétaire demeurait indispensable pour accomplir notre mission et que nous déciderions, à l’automne, du calibrage de notre programme d’achats pour la période allant au-delà de la fin de l’année.

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