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La politique monétaire de la BCE : retour à une stabilité des prix à moyen terme inférieure à, mais proche de 2 %

Libre tribune de Peter Praet, membre du Directoire de la BCE, Süddeutsche Zeitung, 13 janvier 2016

La BCE reste fidèle à sa stratégie de politique monétaire

Aux termes des traités sur l’Union européenne, la principale mission de la Banque centrale européenne (BCE) est d’assurer la stabilité des prix. Les traités sur l’Union européenne ne fournissent pas de définition quantitative précise de la stabilité des prix. En 1998, le Conseil des gouverneurs de la BCE l’a définie comme un taux de hausse des prix à moyen terme inférieur à 2 %. En 2003, il a en outre indiqué qu’il visait un taux inférieur à, mais proche de 2 %. Depuis la mi-2013, l’inflation se maintient au-dessous de 1 % et, après plusieurs mois en territoire négatif, elle s’est inscrite en décembre à 0,2 %. Les esprits chagrins qui interprètent les efforts de la BCE pour accroître le taux d’inflation actuel comme un changement de sa stratégie de politique monétaire se trompent. Tel n’est pas le cas, bien au contraire. Ce qui constituerait une modification de notre stratégie monétaire, ce serait d’abandonner l’objectif d’inflation à moyen terme proche de 2 %. Un tel geste, à un moment où il semble plus difficile d’atteindre l’objectif, serait opportuniste et entamerait la crédibilité de la BCE. C’est justement en eaux troubles que nous devons garder le cap.

Une inflation trop faible est nuisible à la longue et la déflation est dangereuse

Depuis février 2013, l’inflation de la zone euro s’est éloignée de l’objectif à moyen terme de la BCE. En outre, sa faiblesse persistante a affecté les anticipations de hausse des prix à moyen et long terme, qui sont nettement moins élevées que les années précédentes.

Un faible niveau d’inflation à moyen et long terme n’apporte qu’une modeste marge de sécurité contre une déflation prolongée. La perspective de baisse des prix retarde les achats ou l’investissement. La hausse des salaires réels par rapport à la productivité pèse sur les entreprises et l’emploi. En outre, la valeur réelle de la dette nominale augmente en période de déflation. Enfin, la déflation risque aussi de limiter l’efficacité de la politique monétaire car la banque centrale peut perdre le contrôle des taux réels.

Ce serait faire preuve de négligence que de sous-estimer le danger que représente la déflation, surtout lorsque l’inflation persiste à rester faible. Certes, la baisse des cours du pétrole a, ces derniers temps, joué un rôle important dans cette faiblesse ; cependant, son effet sur l’inflation n’est pas négligeable ni temporaire : elle se répercute rapidement à d’autres secteurs, comme celui des transports. Par ailleurs, elle peut renforcer les effets de second tour sur l’inflation, par exemple par le biais d’accords salariaux moins élevés.

Les mesures prises par la BCE sont efficaces

Les mesures de politique monétaire prises par la BCE contribuent de façon essentielle au maintien de la stabilité des prix dans la zone euro. En outre, elles soutiennent la croissance et l’emploi.

Le 3 décembre 2015, la BCE a étendu son programme d’achats d’actifs ( Asset Purchase Programme – APP) en le prolongeant au moins jusqu’en mars 2017 et en réinvestissant les titres arrivés à échéance. Il a également abaissé le taux d’intérêt de la facilité de dépôt de 10 points de base, à -0,30 %.

La décision d’étendre les mesures existantes assure la continuité avec les initiatives prises depuis juin 2014 et repose sur la reconnaissance du fait que le programme APP et les taux négatifs sont particulièrement efficaces. Le programme APP a notamment contribué à empêcher une diminution des anticipations d’inflation. Il a également atténué le risque de déflation. Une plus grande stabilité des anticipations d’inflation est une condition nécessaire du retour à la stabilité des prix à moyen terme.

À ceci s’ajoutent les effets positifs de la transmission des impulsions de la politique monétaire sur les conditions de financement des entreprises et des ménages. Ainsi, les coûts de financement des entreprises et des ménages sur les marchés se sont nettement améliorés, tandis que le coût du crédit bancaire accordé aux entreprises a diminué. Ces effets favorables ont été plus importants dans les États où le mécanisme de transmission de la politique monétaire était temporairement perturbé. Nos mesures ont donc également contribué à uniformiser la politique monétaire dans la zone euro. Le volume des crédits bancaires aux entreprises et aux ménages a aussi commencé à se redresser. La dernière enquête sur l’accès des entreprises au financement ( Survey on the Access to Finance of Enterprises – SAFE) montrait, par exemple, que les petites et moyennes entreprises accèdent désormais plus facilement au crédit. De façon générale, l’amélioration des possibilités de financement a accru la demande dans la zone euro et ce, alors même que la croissance mondiale et, en particulier, la demande des économies de marché émergentes ont fléchi.

Les avantages dépassent les coûts

Une grande partie de notre travail à la BCE consiste à quantifier et évaluer aussi le coût des mesures ainsi que leurs effets secondaires involontaires. Nous ne voyons aucun signe des scénarios catastrophes que nos détracteurs se plaisent à dépeindre. Le taux d’augmentation des prix du logement, par exemple, est moins élevé qu’avant la crise dans la majeure partie de la zone euro et se situe, dans tous les pays, au-dessous de la tendance considérée comme normale sur la base des moyennes historiques. En outre, la hausse des prix devient surtout problématique lorsqu’elle est essentiellement due à une expansion massive du crédit. Or, dans la zone euro, nous sommes plutôt confrontés à l’heure actuelle à une croissance frileuse du crédit. Sur les autres marchés également, par exemple ceux des obligations d’entreprise ou des actions, nous assistons à une évolution conforme aux processus historiquement comparables.

Par ailleurs, la résistance du système bancaire à des chocs négatifs s’est considérablement améliorée depuis la crise. Les banques ont renforcé leurs fonds propres. Depuis qu’elle a pris en charge la fonction de contrôle bancaire dans le cadre du mécanisme de surveillance unique (MSU), la BCE contribue à assurer le respect de normes élevées uniques par les banques dans toute l’Europe. Si, malgré tout, des problèmes devaient se poser, les instruments macro-prudentiels sont les mieux à même de lutter contre les risques dans le secteur financier, ce qui permet à la politique monétaire de se concentrer sur son objectif premier : le maintien de la stabilité des prix.

Les mesures de la BCE relèvent sans aucun doute de la politique monétaire

La politique monétaire agit traditionnellement par des inflexions des taux directeurs. En réaction à la crise financière, la BCE, comme d’autres grandes banques centrales, a élargi sa gamme d’instruments. Le taux d’intérêt négatif suit l’approche traditionnelle qui consiste à modifier les taux directeurs, à ceci près qu’il doit rendre la détention de liquidité moins attrayante, afin de stimuler de façon ciblée le processus d’octroi de prêts par les banques.

En outre, les programmes d’achats d’actifs sont nécessaires à la politique monétaire. En jouant sur les taux d’intérêt à moyen et long terme, particulièrement importants pour l’investissement et l’acquisition de biens de consommation durables, la politique monétaire peut donc maintenir sa marge de manœuvre – dans un contexte économique où les instruments traditionnels se heurtent à leurs propres limites.

Les programmes d’achats de titres sont spécialement conçus de manière à éviter les distorsions sur les marchés. Ainsi, ces achats sont neutres pour le marché dans la mesure où, en moyenne, ils sont répartis uniformément entre emprunts. En outre, nous exerçons une surveillance permanente sur la liquidité des marchés sur lesquels nous achetons. Il est également important que la BCE n’acquière pas plus de 33 % de chaque émission, afin de ne pas détenir de position dominante sur un titre. De cette façon, les opérateurs peuvent fixer librement leurs prix, et des primes de crédit et de liquidité déterminées par le marché peuvent se former.

Lorsque le Conseil des gouverneurs de la BCE a décidé d’acheter des obligations d’État, en janvier 2015, tous ses membres étaient d’accord sur le fait que ces achats représentent en principe un instrument légitime de politique monétaire pour garantir la stabilité des prix. Il ne fait aucun doute que ces achats ont également un effet sur les coûts de refinancement des États. Bien évidemment, cela ne modifie aucunement le caractère monétaire des mesures dans le contexte actuel de persistance d’une inflation trop faible. De toute façon, l’instrument traditionnel des taux directeurs influence aussi les coûts de refinancement des États.

Il est important que les gouvernements jouent aussi leur rôle, au niveau national comme au niveau européen

Dans ce contexte, il est toutefois d’autant plus important que les gouvernements poursuivent leur processus d’assainissement budgétaire. La politique monétaire commune ne pourra réussir que si, comme l’a toujours souligné la BCE, nous attaquons les problèmes structurels de la zone euro à la racine. C’est la responsabilité des gouvernements, qui doivent participer plus activement à cet effort. Au niveau national, ils doivent poursuivre sans relâche l’assainissement des finances publiques et accroître le potentiel de croissance. En outre, les nécessaires réformes structurelles sur les marchés du travail et des biens ne doivent pas être retardées. Au niveau européen, nous avons également besoin d’un engagement plus fort de la classe politique. Il est temps de compléter l’union monétaire par une union économique approfondie. À long terme, il est difficile de se représenter une union monétaire aboutie sans union économique. Les prochaines étapes de l’union économique faciliteront aussi la tâche de la politique monétaire.

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