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Entretien avec les journaux du groupe EBRA

Entretien avec Benoît Cœuré, membre du directoire de la BCE,
accordé à Francis Brochet pour les journaux du groupe EBRA (L’Alsace, Les Dernières Nouvelles d’Alsace, Le Républicain Lorrain, L’Est Républicain, Vosges Matin, Le Bien Public, Le Journal de Saône-et-Loire, Le Progrès, Le Dauphiné Libéré et Vaucluse Matin) et publié le 11 septembre 2015

Pouvons-nous avoir confiance dans la croissance en zone euro ?

Oui, la croissance est repartie, le taux de chômage baisse dans la zone euro. Et nous pouvons faire confiance à l’euro pour nous protéger dans un environnement international risqué, où les grands pays émergents ralentissent et les marchés financiers sont très volatils. La Banque centrale européenne protège la croissance quand elle dit clairement que sa politique de taux très bas et ses achats d’actifs vont durer aussi longtemps que nécessaire. Mais la croissance est encore insuffisante pour créer suffisamment d’emplois.

Pour beaucoup, la zone euro est plus un carcan qu’une protection…

Partager une monnaie est comme vivre en copropriété : il faut des règles communes. Ces règles, comme la réduction des déficits et de la dette, sont une contrainte, mais elles créent de la confiance collective. Elles permettent ainsi d’avoir des taux d’intérêt très bas et des prix stables. Un pays qui s’affranchirait de ces règles perdrait toute protection et se retrouverait seul face à la volatilité des marchés mondiaux.

Mais le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz disait récemment dans notre journal : les règles sont trop strictes, l’austérité tue la croissance…

En économie comme en politique, tout est question de mesure. Aujourd’hui, la zone euro dans son ensemble a une politique budgétaire équilibrée et l'ajustement budgétaire, qui était nécessaire, ne pèse plus sur la croissance. La France, quant à elle, a encore un peu de chemin à parcourir.

La Grèce, elle, continue d’ajuster… Êtes-vous inquiet du résultat des élections du 20 septembre ?

Il y a un assez grand consensus entre les partis de gouvernement et, je crois, le peuple grec, sur l’intérêt du pays à rester dans l’euro, et sur le fait que cela suppose de poursuivre l’ajustement. C’est le sens du programme adopté en août…

N’était-ce pas un accord forcé ? Les Grecs avaient-ils le choix ?

C’est un accord politique entre les dix-neuf chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro, le point d’équilibre entre deux soucis légitimes : le mandat de M. Tsipras, élu sur un programme, et le fait que ce programme est financé en partie par les autres pays de la zone euro et leurs contribuables, qui ont aussi le droit de faire valoir leur point de vue. L’important est que la confiance est revenue entre la Grèce et ses partenaires. Sur cette base, il y aura de la marge pour adapter le programme après les élections, par exemple sur la réforme du marché du travail et la lutte contre les rentes, dans le respect des objectifs à atteindre.

Vous parlez de chômage, mais on dit que la BCE ne s’occupe que de l’inflation…

Quand l’inflation est faible, la meilleure manière de l’amener à l’objectif de 2%, c’est de soutenir l’activité. La stabilité des prix, aujourd’hui, passe donc par la croissance et l’emploi. Il n’y a pas de contradiction.

La finance folle, c’est fini ?

Pas complètement… La BCE est très attachée à la stabilité financière. Les citoyens européens ne doivent pas être soumis au yoyo des marchés financiers. Cela suppose aussi un comportement raisonnable des acteurs financiers, dans le respect des règles. Un gros travail a été fait depuis la crise pour rendre ces règles plus strictes et les banques plus solides. Je crois cependant nécessaire de renforcer la responsabilité personnelle des acteurs financiers. Les cadres dirigeants de banques doivent être comptables des opérations mises en œuvre par leurs équipes. C’est la seule manière d’éviter certaines dérives comme la manipulation des indices à des fins spéculatives.

Vous souhaitez une zone euro plus intégrée. Cela implique de nouveaux transferts de souveraineté des États vers l’Europe. Les peuples y sont-ils prêts ?

Plus d’intégration rendra l’Europe plus efficace. Et dans un monde globalisé, la France ne peut pas lutter seule, elle est trop petite, quels que soient son passé et ses talents, qui sont grands … Mais on ne peut pas forcer les peuples : c’est d’abord à l’Europe de faire la preuve de son utilité, en créant plus de croissance et plus d’emplois.

Mais quand vous voyez le chacun pour soi face à la crise des migrants, vous ne désespérez pas de l’Europe ?

Il est vrai que chaque pays a d’abord réagi suivant ses réflexes nationaux. Mais progressivement, la coordination s’est mise en place, et elle va se développer. Je crois que cette crise qui nous touche tous profondément sera, au contraire, l’occasion d’une prise de conscience de la nécessité de l’Europe.

Recueilli par Francis Brochet

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