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Document 52001AB0712(01)

Avis de la Banque centrale européenne du 13 juin 2001 sollicité par le Conseil de l'Union européenne sur une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les contrats de garantie financière (CON/2001/13)

OJ C 196, 12.7.2001, p. 10–13 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

52001AB0712(01)




Avis de la Banque centrale européenne

du 13 juin 2001

sollicité par le Conseil de l'Union européenne sur une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les contrats de garantie financière

(CON/2001/13)

(2001/C 196/09)

1. Le 3 mai 2001, la Banque centrale européenne (BCE) a reçu une demande de consultation du Conseil de l'Union européenne portant sur la proposition COM(2001) 168 final du 27 mars 2001 de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les contrats de garantie financière (ci-après dénommée la "proposition de directive").

2. La BCE a compétence pour émettre un avis en vertu de l'article 105, paragraphe 4, du traité instituant la Communauté européenne. Conformément à l'article 17.5, première phrase, du règlement intérieur de la BCE, le présent avis a été adopté par le conseil des gouverneurs de la BCE.

3. La BCE se félicite que, afin de remplir les objectifs consistant à créer un marché financier européen pleinement intégré et à favoriser le bon fonctionnement de la politique monétaire unique dans l'union économique et monétaire, il soit proposé d'instaurer un cadre juridique minimal uniforme pour les contrats destinés à limiter le risque de crédit dans les opérations financières au moyen de garanties fournies, sous la forme de titres ou d'espèces, par la constitution d'une sûreté ou par le transfert de propriété (y compris les contrats de mise en pension). Il est observé que le considérant 10 de la proposition de directive énonce un autre objectif général, qui est celui de préserver "les bonnes pratiques de gestion des risques communément appliquées sur les marchés financiers". Toutefois, les dispositions fondamentales de la proposition de directive ne concernent que la compensation avec déchéance du terme et la garantie complémentaire définies respectivement à l'article 3, paragraphe 1, point s), et à l'article 9, paragraphe 2, point a). Il conviendrait de préciser que cela ne signifie pas que d'autres types de pratiques de gestion des risques communément appliquées sur les marchés financiers seraient considérés comme non applicables.

4. La BCE accueille très favorablement cette initiative comme un effort significatif et important visant à promouvoir davantage l'utilisation efficace et sûre, au niveau national comme transfrontalier, des garanties financières, au-delà de ce qui a déjà été réalisé par la directive 98/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres(1) (ci-après dénommée la "directive concernant le caractère définitif du règlement"), afin d'établir un cadre juridique sain pour les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres ainsi que pour les opérations des banques centrales. La BCE souhaite, à cette occasion, rappeler l'importance de la mise en oeuvre complète par tous les États membres de la directive concernant le caractère définitif du règlement.

5. La BCE souhaite souligner qu'elle partage la conclusion de la Commission selon laquelle les règles existantes applicables aux garanties dans l'Union européenne pourraient être jugées trop complexes et impraticables, en particulier dans les opérations transfrontalières. La promotion de méthodes simples et fiables pour constituer des garanties présente un intérêt fondamental pour la BCE ainsi que pour les banques centrales nationales, étant donné que cela favorisera le bon fonctionnement de la politique monétaire unique de l'Eurosystème (composé de la BCE et des banques centrales nationales des États membres participant à la troisième phase de l'union économique et monétaire), au-delà de ce qui a déjà été accompli par la mise en oeuvre de la directive concernant le caractère définitif du règlement, pour ce qui est de la préservation des garanties fournies à une banque centrale nationale ou à la BCE contre les effets de l'insolvabilité. L'intérêt de l'Eurosystème pour cette question résulte de l'article 18.1, deuxième tiret, des statuts du système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne qui prévoit que, afin d'atteindre les objectifs du système européen de banques centrales (SEBC) et d'accomplir ses missions, la BCE et les banques centrales nationales peuvent effectuer des opérations de crédit avec des établissements de crédit et d'autres intervenants du marché uniquement sur la base d'une sûreté appropriée pour les prêts.

6. Bien que l'Eurosystème bénéficie déjà de l'application de la directive concernant le caractère définitif du règlement à ses opérations de crédit, il en résulte essentiellement une protection contre les effets de l'insolvabilité d'une contrepartie. La BCE accueille donc favorablement la tentative de la proposition de directive de résoudre les problèmes plus vastes touchant l'utilisation de garanties, en particulier dans un cadre transfrontalier. Selon la BCE, cela comprend notamment une limitation de l'imposition de formalités onéreuses lors de la création et de l'exécution de contrats de garantie, un régime communautaire efficace et simple pour la création de garanties et la protection des contrats de garantie financière à l'encontre des dispositions des lois sur l'insolvabilité qui pourraient faire obstacle à la réalisation effective de la garantie ou rendre incertaine la validité de techniques actuellement utilisées. En outre, la BCE soutient l'établissement de la sécurité juridique concernant l'utilisation transfrontalière d'actifs dématérialisés, par l'introduction d'une règle claire et unique pour déterminer le lieu où de tels actifs sont situés, en développant et précisant davantage les principes figurant dans la directive concernant le caractère définitif du règlement. Cela soutiendra non seulement l'efficacité des opérations nécessaires à la conduite de la politique monétaire unique par lesquelles l'Eurosystème alimente ses contreparties en liquidité contre garantie dans un contexte national comme transfrontalier, mais améliorera également la sécurité juridique et l'efficacité des opérations par lesquelles les opérateurs du marché monétaire répartissent cette liquidité sur l'ensemble du marché en effectuant entre eux des transactions permettant la compensation des excédents et des déficits individuels de liquidité.

7. Il est constaté que le champ d'application de la proposition de directive (article 2, paragraphe 4) est limité aux autorités publiques, aux banques centrales, aux établissements financiers soumis à surveillance prudentielle et aux personnes morales dont les fonds propres dépassent 100 millions d'euros ou dont l'actif brut dépasse 1 milliard d'euros. La BCE souhaite souligner que l'application d'un certain seuil faisant référence aux fonds propres ou à l'actif brut ne devrait pas rendre incertaine l'application de la proposition de directive, en particulier étant donné que cette référence est susceptible de changer postérieurement au dernier état financier. Qui plus est, du point de vue de la BCE, il faut veiller à ce que tous les systèmes et leurs participants, qui sont protégés par la directive concernant le caractère définitif du règlement, les contreparties centrales, qui sont d'une importance cruciale pour le bon fonctionnement des systèmes de paiement et de règlement, ainsi que toutes les entités ayant accès aux opérations de refinancement de l'Eurosystème, bénéficieront également de l'application de la proposition de directive.

8. En règle générale, la BCE reconnaît la nécessité de procéder à une évaluation attentive de l'étendue de toute limitation des régimes d'insolvabilité généraux, par laquelle diverses considérations, allant de la sécurité juridique, l'efficacité des opérations de garantie transfrontalières et la facilité de gestion des garanties à, dans certains cas, une nécessité de surveillance, notamment la possibilité de prendre des mesures d'assainissement, doivent être prises en compte. Toutefois, il est suggéré que soit considérée la question de savoir si les dispositions de la proposition de directive qui ne traitent pas de la protection contre l'insolvabilité, mais de droit matériel ou de la règle de conflit de lois, pourraient être rendues généralement applicables, sans application d'un seuil ou d'un autre critère. La création de différents régimes pour l'établissement et l'utilisation du même type de garantie, selon le type des parties en jeu, nécessite la vérification du statut des parties à un contrat et est susceptible de créer des distorsions dans le bon fonctionnement des opérations garanties. Quoi qu'il en soit, l'on devrait envisager d'introduire un considérant énonçant que les États membres sont autorisés à aller au-delà de la proposition de directive.

9. La BCE est favorable au fait que la définition des "contrats de garantie financière" prévue à l'article 3, paragraphe 1, point a), de la proposition de directive comprenne à la fois les constitutions de sûreté et tous les contrats avec transfert de propriété (par exemple les opérations de mise en pension ou les accords de remise en garantie), afin de contribuer à la stabilité des marchés financiers dans l'Union européenne et de protéger les techniques de constitution de garanties utilisées par l'Eurosystème.

10. La BCE constate que la proposition de directive est applicable à la fois aux "instruments financiers" ainsi que définis à l'article 3, paragraphe 1, point h) (y compris les valeurs mobilières) et aux espèces. Toutefois, la BCE suggère que soit considérée la question de savoir si le champ d'application de la proposition de directive pourrait être étendu à tous les types d'actifs qui sont éligibles aux opérations de crédit de l'Eurosystème, y compris notamment les crédits octroyés sous la forme de prêts bancaires. Cette solution sauvegarderait et promouvrait l'utilisation transfrontalière efficace de tous les actifs éligibles aux opérations de crédit de l'Eurosystème, qui bénéficient déjà d'une préservation totale contre l'application d'une procédure d'insolvabilité en vertu de l'article 9, paragraphe 1, de la directive concernant le caractère définitif du règlement. Cela favoriserait davantage la mise en oeuvre de la politique monétaire unique de l'Eurosystème.

11. La BCE accueille favorablement la suppression des conditions de forme pour les contrats de garantie financière, mis à part la condition selon laquelle le contrat est consigné ou attesté dans un écrit signé par le fournisseur de la garantie ou en son nom. Cette condition résiduelle ne devrait pas exclure les opérations soumises à des conditions générales, qui ne sont généralement pas signées par les parties, ou d'autres pratiques du marché existantes. Toute condition résiduelle devrait être justifiée par la nécessité de fournir une preuve en cas d'insolvabilité.

12. La BCE approuve également le fait que, afin de limiter les formalités administratives auxquelles doivent faire face les opérateurs qui utilisent des titres dématérialisés en tant que garanties, la seule condition de validité à remplir devrait être, pour les transferts de propriété, la livraison de la garantie, et pour les autres contrats de garantie financière, soit la livraison soit l'enregistrement par l'intermédiaire de référence auprès duquel le compte de titres constitué en garantie est ouvert.

13. La BCE remarque que la proposition de directive prévoit l'exécution des garanties avec des formalités minimales et sans assistance ou ingérence des tribunaux ou des autorités publiques (article 5). Dans ce contexte, toute modification des procédures nationales existantes relatives à l'insolvabilité devrait prendre en compte les objectifs de la proposition de directive (la sécurité juridique, l'efficacité des opérations de garantie transfrontalières et la facilité de gestion des garanties) ainsi que l'intérêt des responsables de la surveillance prudentielle à l'instauration de mesures d'assainissement efficaces et à la stabilité du système financier, ce qui concerne l'Eurosystème comme l'atteste l'article 3.3 des statuts du SEBC et de la BCE. En outre, la BCE souligne l'importance du principe prévu à l'article 5, paragraphe 4, selon lequel il faut procéder à toute réalisation dans des conditions commerciales normales. Enfin, l'article 5 de la proposition de directive traite de l'exécution par voie de vente ou de compensation avec déchéance du terme. L'on pourrait également considérer de permettre à un preneur de garantie de s'approprier la garantie en cas d'événement entraînant l'exécution, à condition que le créancier ne puisse bénéficier d'un enrichissement sans cause.

14. La BCE remarque également l'existence possible d'une divergence entre l'article 2, paragraphe 6, point b) et l'article 5, paragraphe 3, de la proposition de directive (événement entraînant l'exécution), à laquelle il faudrait peut-être remédier. L'article 2, paragraphe 6, point b), vise les "obligations envers le preneur de la garantie incombant à une personne autre que le fournisseur de la garantie", alors que dans le même temps les événements entraînant l'exécution prévus à l'article 5, paragraphe 3, ne concernent que le fournisseur de la garantie et le preneur de la garantie et pas ce tiers débiteur (par exemple, une société mère fournissant une garantie afin de garantir les obligations de sa filiale envers un établissement de crédit).

15. La BCE accueille favorablement la disposition de la proposition de directive selon laquelle une clause de compensation avec déchéance du terme produit ses effets en cas d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité ou d'assainissement. L'applicabilité de la compensation avec déchéance du terme en tant que mécanisme d'exécution devrait être effective et protégée en général en cas de défaillance, qu'elle résulte d'une insolvabilité ou d'autres événements. En outre, la BCE constate que l'applicabilité de la compensation avec déchéance du terme n'est pas limitée à certains contrats de garantie financière, comme les contrats de mise en pension, mais sera appliquée plus largement, pour tous types de contrats visant à réduire les risques, notamment de crédit, y compris, mais pas seulement, les dispositions en matière de compensation multiproduits et les accords de compensation comprenant plus d'un contrat de garantie financière. À cette fin, la définition de la compensation avec déchéance du terme à l'article 3, paragraphe 1, point s), ainsi que l'article 8 pourraient être précisés et clarifiés davantage. La procédure menant à la déchéance du terme devrait être applicable à l'ensemble des garanties et des obligations pour lesquelles la garantie a été fournie. Le preneur de la garantie ne devrait pas être exposé au risque de "picorage" par l'administrateur ou le liquidateur du fournisseur de la garantie qui confirmerait les contrats non encore exécutés avantageux et rejetterait les contrats non encore exécutés désavantageux. Étant donné que les pratiques saines et efficaces de gestion des risques communément appliquées sur les marchés financiers, y compris le dispositif de contrôle des risques de l'Eurosystème, reposent sur la capacité à gérer et limiter sur une base nette les risques de crédit liés à tous les types de transactions financières, toute limitation du champ d'application de la proposition de directive à certaines techniques de réduction des risques pourrait porter atteinte à la stabilité financière.

16. La BCE observe que l'article 6 de la proposition de directive entraîne le droit d'utilisation de la garantie fournie dans le cadre d'un nantissement, en vertu duquel le preneur de la garantie peut "utiliser" (vendre, prêter, mettre en pension ou nantir) les garanties constituées en sa faveur. Par conséquent, assimiler les nantissements aux contrats entraînant un transfert de propriété complet pourrait potentiellement améliorer la liquidité et l'efficacité des nantissements. Cependant, il est reconnu que ce concept pourrait entraîner des modifications substantielles des systèmes juridiques de certains États membres.

17. La BCE est généralement favorable à la protection des garanties complémentaires contre les effets de l'insolvabilité. Lorsque le contrat de garantie prévoit que, après la constitution de sûreté initiale ou le transfert de propriété initial, la garantie fera l'objet de mouvements ultérieurs, ces mouvements ultérieurs devraient être protégés contre une invalidation résultant de circonstances survenant après la conclusion du contrat initial entre les parties concernant le contrat de garantie complémentaire et après la constitution de sûreté initiale ou le transfert de propriété initial. La protection des garanties complémentaires favorisera l'efficacité des systèmes de gestion du contrôle des risques, y compris le dispositif de contrôle des risques de l'Eurosystème. En outre, la BCE souhaite mentionner que la deuxième phrase du considérant 11 ne devrait pas être interprétée comme invalidant les contrats de garantie complémentaire autres que ceux qui sont visés à l'article 9, paragraphe 2, point a), dans la mesure où ils sont actuellement reconnus et valides dans certains États membres.

18. La BCE soutient également la reconnaissance de la substitution d'actifs, dans le cadre de laquelle le contrat de garantie stipule que le fournisseur de la garantie peut substituer la garantie après la constitution de sûreté ou le transfert de propriété, à condition que la garantie de substitution n'ait pas une valeur supérieure à celle de la garantie qu'elle remplace. Cela permettra d'accroître l'efficacité de la gestion des garanties de toutes les entités qui ont recours aux opérations soumises à garantie et contribuera au bon fonctionnement des systèmes de règlement des opérations sur titres, en réduisant les défaillances de règlement, améliorant ainsi la stabilité financière.

19. La BCE accueille favorablement le principe inscrit à l'article 10 de la proposition de directive, selon lequel la loi applicable aux contrats transfrontaliers de garantie sous la forme de titres dématérialisés est désignée comme la loi du pays où le compte de titres constitué en garantie est situé (conformément au principe déjà énoncé à l'article 9, paragraphe 2, de la directive concernant le caractère définitif du règlement). L'on doit veiller, cependant, à ce que l'autre critère figurant à l'article 10, paragraphe 2, point a), de la proposition de directive afin de désigner le lieu où un compte est situé ("[...] pour autant que l'intermédiaire de référence attribue le compte de référence audit siège ou à ladite succursale aux fins de la communication des relevés au titulaire du compte, ou de l'exécution de ses propres obligations réglementaires ou comptables") n'entraîne pas de nouvelles incertitudes quant à la loi applicable. Dans ce cadre, la BCE encourage vivement les entités concernées, en particulier les États membres, à essayer de parvenir, dans le contexte des discussions en cours à la conférence de la Haye de droit international privé sur un projet de convention relative à "la loi applicable aux actes de disposition de titres détenus dans le cadre d'un système de détention indirecte", à une solution qui soit cohérente avec les principes contenus dans l'article 10 de la proposition de directive comme dans l'article 9, paragraphe 2, de la directive concernant le caractère définitif du règlement.

20. La BCE souhaite soulever la question de savoir si la proposition de directive (et en particulier l'article 10, paragraphe 2, visant un intermédiaire de référence) vise également suffisamment les situations de détention directe dans le cas de certaines structures de dépôt, qui correspondent simplement aux détentions sur un registre sous-jacent ou directement dans les livres ou les registres d'un émetteur, ou des structures dans lesquelles les titres sont réputés situés dans les livres du membre du système de dépôt central.

21. Enfin, au vu de la grande importance accordée à l'amélioration de l'utilisation efficace et sûre, au niveau national comme transfrontalier, des contrats de garantie financière, à la fois pour les marchés financiers de l'Union européenne en général et pour la conduite des opérations soumises à garantie de l'Eurosystème en particulier, la BCE souhaite encourager toutes les parties participant au processus de rédaction et, en dernier lieu, mettant en oeuvre la proposition de directive, à mobiliser leurs efforts pour parvenir à une finalisation rapide de ce processus.

22. Le présent avis est publié au Journal officiel des Communautés européennes.

Fait à Francfort-sur-le-Main, le 13 juin 2001.

Le président de la BCE

Willem F. Duisenberg

(1) JO L 166 du 11.6.1998, p. 45.

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